Le PS refuse de s’opposer

Le traité européen de Lisbonne divise les socialistes. Mais Solferino a déjà décidé de « laisser passer le texte », oubliant ses promesses électorales en faveur d’une ratification référendaire, et de « respect de la volonté populaire ».

Michel Soudais  • 1 novembre 2007 abonné·es

L’opposition ne s’opposera pas. Telle est la « bonne nouvelle » que François Hollande est venu porter lui-même à Nicolas Sarkozy, lundi matin. « Nous ne nous opposerons pas à ce traité parce qu’il permet, même s’il est très compliqué […], de sortir l’Europe de l’impasse » , a déclaré le Premier secrétaire du PS, à l’issue de cet entretien de près d’une heure avec le président de la République. « Nous aurons un choix responsable et européen. » À entendre les déclarations des responsables socialistes, le PS n’aurait le choix qu’entre un « oui critique » et une abstention matinée de protestation stérile. Une alternative qui résume bien les choix auxquelles la social-démocratie agonisante est réduite : accompagner le mouvement ou laisser-faire.

Illustration - Le PS refuse de s’opposer


François Hollande arrive à l’Élysée, lundi matin, pour s’entretenir avec le Président sur le traité. FEFERBERG/AFP

« De toute manière, nous laisserons passer le texte » , certifiait François Hollande, lundi matin, sur France 2, avant de se rendre à l’Élysée. Non sans préciser qu’à titre personnel il voterait « oui », en rappelant qu’il avait été « l’un des artisans du « oui » il y a deux ans » lors du référendum constitutionnel de 2005, où le « non » l’avait emporté en France. En assurant aussi que les socialistes étaient « majoritairement pour voter ce texte » .

Ainsi, avant même que se tienne la réunion du bureau national censée décider de la position des socialistes sur le traité modificatif de Lisbonne, la position du PS est déjà arrêtée. Sans débat.

Après l’adoption du traité modificatif par les chefs d’État et de gouvernement, aux premières heures du 19 octobre, il n’a pas fallu plus de trois jours à la direction du PS pour faire savoir que la délibération serait restreinte et de pure forme. La seule instance autorisée à se prononcer est en effet le bureau national, composé de 54 membres. Le 22 octobre, au cours d’un point de presse, Stéphane Le Foll, député européen, dessinait déjà la future position du parti, dans les termes repris lundi par François Hollande, dont il est le directeur de cabinet. Le lendemain, le bureau national a échangé pendant une heure et demie sur le nouveau traité sans parvenir à se mettre d’accord. À l’issue de cette réunion, Stéphane Le Foll annonçait à la presse que la direction collégiale du PS tenterait d’arrêter une décision le 6 novembre. Si le bureau national parvient « à une position unanime » , a-t-il expliqué, la direction convoquera « un Conseil national extraordinaire » , afin de solenniser l’unité retrouvée des socialistes sur la question européenne. Dans le cas contraire, François Hollande fera voter le bureau national, et la position du PS sera « la position majoritaire » .

En vertu de ce calendrier et conformément au souhait de François Hollande, le sujet ne figurait pas à l’ordre du jour du conseil national qui s’est tenu samedi, à Paris. Prudemment, la rue de Solferino avait souhaité restreindre la discussion à des rapports sur les forums de la rénovation, lancés après les défaites présidentielle et législatives pour revisiter la position des socialistes sur la nation, le marché et l’individu. Un point était aussi prévu sur la préparation des municipales et des cantonales. Enfin, une motion sur la situation politique et sociale a été adoptée dans l’indifférence générale d’une salle désertée par la majeure partie des conseillers nationaux.

Ce refus du débat a été vivement dénoncé par Pascale Le Néouannic. « Moins nous intervenons dans nos instances, plus c’est à l’extérieur que l’expression s’organise au travers des tribunes de presse » , a mis en garde la secrétaire nationale aux transports, avant de réclamer que le PS « milite » pour un référendum en fidélité à ses engagements de campagne. Seul, avant elle, Vincent Peillon avait enfreint la consigne et réclamé un référendum pour appeler à voter « oui » car, selon cet ancien partisan du « non » lors du débat interne de 2004, la preuve avait été donnée qu’il n’était pas possible d’obtenir un meilleur texte. Ce furent les seuls propos échangés dans l’enceinte du conseil national.

En revanche, il a beaucoup été question du traité européen sur les marches et dans les couloirs de la Mutualité, la presse n’ayant pas manqué d’interpeller sur ce thème les dirigeants socialistes. Rares sont ceux qui ont refusé de répondre. Et certainement pas François Hollande, qui était pourtant le premier à ne pas vouloir que le sujet soit évoqué. À ce petit jeu, les partisans du « oui » sont d’ailleurs les plus bavards. Car, à l’exception de Jean-Luc Mélenchon, absent samedi pour cause de voyage en Amérique du Sud, mais qui a déjà fait savoir qu’il « voterait contre la ratification » , les anciens tenants du « non » à la « constitution » européenne sont peu loquaces.

Plus encore que les « ouistes », les « nonistes » craignent de rouvrir les plaies de la division référendaire pas encore cicatrisées. De guerre lasse ou par souci de l’unité des socialistes à l’approche des échéances municipales, ils se contentent, sur la défensive, de réclamer que le PS fasse campagne pour un référendum. « En 2005, le peuple s’était prononcé par référendum. Ce qui a été décidé par référendum ne peut être réexaminé que par référendum. Une autre procédure ne serait pas vraiment démocratique » , rappelait Laurent Fabius dans un entretien au Parisien , dimanche, en espérant que les socialistes puissent « se rassembler » sur cette base.

Cette position minimale est conforme à l’esprit de la motion de synthèse du congrès du Mans, quand, « prenant acte » du rejet du traité constitutionnel européen « par une majorité de nos concitoyens » , les socialistes déclaraient vouloir « respecter cette volonté populaire » . « L’échec du traité constitutionnel nous rappelle combien la voie vers la construction européenne doit être partagée par les citoyens , affirmait alors quasi unanimement le PS. Il faut faire l’Europe avec les peuples. » L’exigence d’un référendum pour tout nouveau traité était aussi un engagement électoral du PS dans le Projet socialiste, adopté à l’été 2006 et défendu par tous ses candidats aux législatives. C’était aussi une promesse de campagne de Ségolène Royal.

Des engagements que François Hollande et la plupart des partisans du « oui » oublient volontiers aujourd’hui, prétextant que « l’élection présidentielle est passée par là » et que Nicolas Sarkozy s’y oppose. Cette capitulation méconnaît (volontairement ou par ignorance ?) un recours parlementaire qui mérite d’être tenté. Si le traité peut être ratifié par une loi ordinaire, celle-ci ne pourra pas être présentée sans une révision préalable de la Constitution française, comme cela a été le cas pour les précédents traités. Afin d’être adoptée par le Parlement réuni en congrès, cette révision doit être approuvée par une majorité de 3/5 des suffrages exprimés. Dans le cas contraire, le Président n’aurait d’autre recours que le référendum. Or cette majorité n’est pas certaine si toute la gauche vote contre.

Pour François Delapierre, qui a rappelé cette procédure en bureau national, ce premier vote est ainsi « un vote sur la forme de la ratification » , le second vote « sur le fond » (loi de ratification ou référendum) n’intervenant qu’ensuite. Ceux qui veulent un référendum ne peuvent que voter « non » à la révision constitutionnelle par le Parlement.

Toute autre attitude (abstention, refus de vote…), prônée ces derniers jours par d’anciens tenants du « non » (Emmanuelli, Fabius), reviendrait à dessaisir le peuple, puisque seuls comptent les suffrages exprimés.

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