Mort d’un altermondialiste

« Gênes 01 » est une tragédie chorale sur la répression des manifestations contestant le G 8 en 2001.

Gilles Costaz  • 22 novembre 2007 abonné·es

Le jeune auteur italien Fausto Paravidinio n’était pas à Gênes quand eurent lieu les événements de juillet 2001 : les manifestations des altermondialistes pendant le G8, si durement réprimées par la police italienne qu’un innocent y perdit la vie. Mais Paravidinio est génois. Il mena sa propre enquête pour écrire une pièce, Gênes 01, dont il fit plusieurs versions en introduisant dans son texte les nouveaux éléments qui lui parvenaient. Le metteur en scène Victor Gauthier-Martin s’est chargé de l’adapter en français pour la Comédie de Reims et la présente actuellement à Paris. Un moment de renouveau pour le théâtre politique, qui en avait bien besoin !

Ils sont cinq sur une scène où des ordinateurs, des écrans vidéo et un musicien (Dayan Korolic) laissent libre une grande aire de jeu. Quelques images sur ces trois jours funestes sont d’abord projetées. Puis les acteurs s’emparent du texte, conçu comme un choeur moderne. Les mots sont d’abord militants, puis cèdent la place à la chronique, au récit des faits, aux vérités contradictoires. Il n’y a pas de rôles, donc les comédiens peuvent tout jouer, être manifestant, flic, journaliste, témoin ou héraut, se transformer sans cesse et passer parfois dans le champ d’une caméra dont l’image nous arrive, crue ou réinventée. Ce faisant, l’étau se resserre sur la vérité historique : le comportement quasi fasciste de la police de Berlusconi et les falsifications opérées pour faire porter le poids du meurtre et des violences aux manifestants.

L’écriture théâtrale a changé, si l’on se souvient de la pièce de Dario Fo, Mort accidentelle d’un anarchiste qui, il y a trente-cinq ans, démontait par la farce le mécanisme du meurtre d’un libertaire par les policiers qui l’interrogeaient. Paravidinio est plus près du cinéma, avec ses trois journées articulées en séquences et son parti pris de dossier. Mais, entre le grand ancêtre et le jeune repreneur de flambeau, il y a en commun le goût du jeu, de la scène qui crépite dans l’action.

Victor Gauthier-Martin a amplifié cet aspect de vengeance récréative. Alban Aumard, Clémence Barbier, Marie Dablanc, Pascale Oudot et Régis Royer ne sont plus des arlequins mais des caméléons attrapant les différentes faces de l’humanité. Ici, la tristesse prend la vie des flammes.

Reprise à Mâcon (13-14 décembre) et Orléans (26 mars). Texte français de Philippe Di Meo, aux éditions de l’Arche.

Culture
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