Un mal-aimé

Bernard Sobel met en scène une pièce méconnue du Soviétique Iouri Olecha.

Gilles Costaz  • 15 novembre 2007 abonné·es

Le Mendiant ou la mort de Zand est une pièce inachevée. Et c’est l’histoire d’un écrivain malheureux. On mesure combien Iouri Olecha (1899-1960) s’est projeté dans ce périple d’un poète mal-aimé par la société et rejeté par la femme adorée. Auteur longtemps approuvé par le régime, beaucoup édité, monté au théâtre et au cinéma, Iouri Olecha a cessé un jour de plaire. Il a vu ses nouveaux textes interdits et a fini comme un pauvre hère.

Metteur en scène fidèle au communisme, dont il a fait sa philosophie, et aux plaies du communisme, qu’il aime affronter avec une lucidité généreuse, Bernard Sobel s’intéresse aujourd’hui à ce Mendiant , dont les premières représentations ont eu lieu au Théâtre national de Strasbourg.

L’écrivain Zand se voit comme un « constructeur du futur » , mais, rapidement, la vie ne lui apparaît plus aussi belle qu’il le pensait. Il est quitté par son épouse et ressent l’hostilité de son entourage. Il change de vie et se transforme en errant. Mais il continue à écrire et demande à un criminel de lui conter la façon dont il a commis son meurtre. Zand est surtout hanté par sa femme et le désir qu’il a d’elle. La cherchant, il la retrouve mariée à un autre. Il poursuit alors son errance, tout en étant persécuté par un ennemi acharné.

Le spectacle donne l’impression d’une suite de tableaux oniriques dont Sobel a tiré un carrousel cauchemardesque, tantôt satirique, tantôt lyrique et désespéré. Sur une belle scène tournante conçue par Lucio Fanti, les acteurs sont savamment égarés. Les trois principaux rôles sont tenus par Éric Caruso (Zand) et Vincent Minne, étranges et singuliers, et Chloé Réjon (la jeune femme, Macha), sensuellement irréelle. Autour d’eux, Claire Aveline, Claude Guyonnet et Jacques Pieiller, notamment, créent des personnages surprenants ou saisissants. C’est une soirée au mouvement et aux arrière-plans fascinants.

Culture
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