Une parole de haut vol

Le grand poème de Mahmoud Darwich, « Murale », incarné par Jean-Damien Barbin.

Gilles Costaz  • 1 novembre 2007 abonné·es

Les écrits du poète palestinien Mahmoud Darwich nous éblouissent par leur façon de faire entendre une vérité étale. C’est-à-dire jamais linéaire, limitée à une idée, à un slogan, mais ramassant dans ses mots une pensée riche de plusieurs bonheurs et de diverses sensations. Murale , que beaucoup considèrent comme son texte essentiel et qu’il écrivit en 1998, alors qu’il était entre la vie et la mort, est aujourd’hui transposé à la scène par le Libanais de Paris Wissam Arbache. Pour ce difficile pari, le metteur en scène a conçu lui-même un dispositif circulaire qui permet de faire apparaître un lit d’hôpital ou un espace nu, tandis que la scène s’élargit autour de ce cercle et permet d’autres aires de jeu. Il fait reposer l’heure du spectacle sur Jean-Damien Barbin, mais fait aussi intervenir une comédienne, Hala Omran, qui, en arabe et en français, incarne (avec flamme) un double féminin de Darwich ainsi que la femme aimée, et un saxophoniste, Virgile Lefebvre, qui, lui, serait un autre double, musical, de l’écrivain.

« Je suis le céleste pourchassé », dit l’acteur proférant les mots d’un poète toujours en devenir, selon son sentiment d’une quête et d’une mutation (« Un jour je serai ce que je veux ») ; le jeu de l’interprète change selon que le verbe porte la lutte contre la mort, le chant amoureux, le combat politique (toujours déguisé, comme dans cette admirable adresse : « Mort, toi seule es l’exilée »). Très grand interprète à la voix entêtante et à la démarche pressée, Barbin franchit un rideau translucide pour entrer peu à peu dans le cercle, dit les poèmes d’une voix qui les caresse, accélère parfois la cadence, saute sur le lit, étreint sa partenaire ou mène avec elle un dialogue franco-arabe où les mêmes textes se répondent dans les deux langues. Au regard des modes qui sont aujourd’hui à l’intériorité extrême, cela peut paraître effrontément théâtral. Mais l’on aime cet envol hors des modes.

Culture
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