En voie d’aggiornamento

Avec le second forum de la rénovation sur « le socialisme
et le marché », le PS voulait combler le retard de sa théorie sur sa pratique.

Michel Soudais  • 20 décembre 2007 abonné·es

Assumer, dit-il. L’injonction ne figure pas dans le discours écrit, mais au terme de plus de trois heures de débat, samedi, François Hollande clôt le second forum de la rénovation consacré au rapport compliqué que le socialisme entretient avec le marché, en assurant : « Sur le plan économique, nous devons assumer ce que nous sommes. » Assumer, oui, mais quoi au juste ? « S’il y a un aggiornamento à faire, c’est-à-dire une déclaration de principes à écrire, oui nous devons reconnaître l’économie de marché, mais aussi que nous avons un rapport critique au capitalisme et la volonté de combattre le libéralisme » , résume le Premier secrétaire du PS. Car si les socialistes ont admis depuis 1983 les lois du marché, cet aggiornamento « doit se faire dans les textes et pas simplement dans les faits » , plaide-t-il.

Dans les têtes des orateurs qui l’ont précédé, l’exercice était parfois très avancé. Seybah Dagoma, une avocate d’affaire de 30 ans, tête de liste dans le Ier arrondissement de Paris, a ainsi défendu les bienfaits des fonds de pension. « Les vrais libéraux, c’est nous » , s’est emporté Michel Rocard, tout à son « bonheur » de voir le PS faire un pas vers ses idées.

Certains résistent encore. « Plutôt qu’à la main invisible du marché, nous croyons à la force visible de la démocratie » , a déclaré le fabiusien Guillaume Bachelay, en insistant sur la nécessité de « préserver certains biens » (santé, environnement, éducation) « face aux risques de marchandisation » . Défenseur du rôle de « l’État jacobin et centralisateur » , Liêm Hoang-Ngoc a plaidé pour « organiser techniquement la hausse des salaires » qu’une autre génération de socialistes a su bloquer en 1983, défendu l’extension de « la sphère de l’impôt direct et progressif » et le relèvement du « tarif extérieur commun pour protéger nos industries et nos emplois » . « Le grand absent de ce débat, c’est la propriété » , a estimé Pascale Le Néouannic, inquiète que celle-ci reste « l’ancien droit d’user et d’abuser » . Contestant « l’extension sans fin des droits associés à la propriété privée qui conduit à menacer d’autres droits essentiels, collectifs et individuels » , la secrétaire nationale aux Transports a défendu « l’interdiction d’un usage usurier de la propriété actionnariale au nom de l’intérêt collectif et des droits des salariés » .

Ces discours dissonants n’ont pas empêché François Hollande d’annoncer que les socialistes prônent désormais « une économie de marché sociale et écologique » . La « conception » que les socialistes doivent retenir, c’est celle d’ « une économie de besoins » car « le rôle de l’économie, c’est de satisfaire des besoins » , a-t-il dit, reprenant le rapport introductif de l’eurodéputé Harlem Désir. Pour le leader du PS, les débats ont permis de dégager « trois convergences majeures » entre socialistes : « Un rapport critique au capitalisme » ; la croyance en la croissance, durable, sociale, écologique, car les socialistes « sont pour la création de richesses » ; « l’évolution du monde, de la société doit forcément être portée par l’idée de progrès » , qui reste « l’utopie » du PS. Un progrès qui n’a jamais cessé, selon lui, puisque malgré le chômage et le creusement des inégalités, l’état du monde et celui de la France « sont meilleurs qu’ils ne l’ont été il y a vingt, trente ou cinquante ans » .

Il n’en pointe pas moins « trois divergences à trancher » lors du prochain congrès, que ces forums de la rénovation servent à préparer. Elles ne sont pas minces. 1. Le rôle de l’État doit-il être « plus distend » (sic) ou « plus présent » ? Quelle fiscalité doit-il mettre en oeuvre ? 2. Le libre-échange et ses protections : entre les deux, « il y a toutes les gradations d’une politique extérieure commerciale » et « il faut en débattre » , annonce François Hollande, qui propose deux règles, celles « du juste commerce » et du « travail décent » . 3. La question de l’Europe perçue par les uns comme étant « en soi un moyen d’engager la régulation indispensable » , pour les autres, « un cheval de Troie de la mondialisation » .

S’il est louable de remettre au prochain congrès la tâche de trancher ces différends, tout indique que ces questions sont déjà tranchées dans les faits. Quand le bureau national a approuvé le traité de Lisbonne, il a de fait consenti à un accroissement du libre-échange qui ferait sauter les dernières protections dont dispose encore l’Europe. Le PS n’a pas fini de courir après ses actes.

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