Étude de ka

Jacques Schwarz-Bart présente une fusion réussie de jazz et de musiques guadeloupéennes.

Denis Constant-Martin  • 17 janvier 2008 abonné·es

Pendant longtemps, le gwo-ka, musique pour tambours, voix et danseurs, demeura reclus dans les campagnes de la Guadeloupe, méprisé, voire craint par les urbains, à qui il rappelait le temps de l’esclavage mais aussi l’esprit de fronde qui pousse à dire en chantant, à agir en mimant la révolte contre l’oppression et l’injustice. Les mouvements sociaux et nationalistes des années 1970 ont réhabilité le gwo-ka : les plus grands percussionnistes, comme Carnot ou Vélo, ont connu une notoriété tardive ; de nouvelles voix, comme celle d’Esnard Boisdur, se sont fait entendre. Des musiciens rompus à d’autres styles ont compris tout le parti qu’ils pourraient en tirer. Le mariage gwo-ka jazz fut particulièrement fertile, ce qu’illustre aujourd’hui Jacques Schwarz-Bart. Fils des écrivains Simone (qui dit un poème sur la dernière plage du disque) et André Schwarz-Bart, il a d’abord joué de la guitare en amateur tout en poursuivant des études qui l’ont conduit à devenir l’assistant d’un sénateur.

À 24 ans, Jacques Schwarz-Bart découvre le saxophone et travaille d’arrache-pied pour devenir musicien professionnel. Il fait ses débuts à Boston, puis se fait remarquer à New York, où il rejoint les praticiens d’un jazz soul chaud et coloré (D’Angelo, Roy Hargrove). Pendant quinze ans, il rêve d’insérer le gwo-ka dans ce langage, pour finalement réaliser ce projet avec Soné Ka-La . Soutenu par deux excellents tambouyés guadeloupéens (Olivier Juste et Sonny Troupé) auxquels se joignent d’autres percussionnistes (Abou Diarassouba et Daniel Sadownik), il invente une musique bien assise sur les sept rythmes gwo-ka, mais d’un grand raffinement harmonique, dans laquelle il peut laisser libre cours aussi bien à sa verve fonceuse en tempo rapide qu’à une belle conduite de phrase mettant en valeur un superbe son, un remarquable jeu sur le souffle dans les ballades. Il rappelle ainsi ce que proclament beaucoup de Guadeloupéens : le ka , c’est la vie.

Culture
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