Faire entendre la voix du peuple

À moins d’un mois de la consultation décisive des parlementaires sur le traité de Lisbonne, les collectifs en faveur d’un référendum multiplient les actions en direction des élus, mais aussi en justice.

Xavier Frison  • 10 janvier 2008 abonné·es
Faire entendre la voix du peuple

Que voulez-vous ? Le peuple de France est ainsi. Pugnace, un rien obtus et, quoi qu’on en dise, concerné par la chose politique. Non content de refuser l’adoption d’un traité européen au bon goût d’ultralibéralisme en mai 2005, il se mobilise désormais contre l’escroquerie du traité dit « de Lisbonne », signé par les dirigeants européens le 13 décembre (voir Politis n° 979). Tout occupés à vouloir passer par la porte de derrière, sans s’encombrer d’une consultation populaire, Nicolas Sarkozy et ses camarades du gouvernement ont oublié un peu vite que certains veillaient encore au grain. Ceux-là, qu’ils soient « nonistes » ou « ouiistes », réunis au sein de divers collectifs
^2, s’attellent à faire signer au plus grand nombre leurs pétitions en faveur d’un référendum, voire à porter l’affaire devant les tribunaux. Pour que la voix des citoyens soit enfin entendue et respectée dans le débat européen.

Illustration - Faire entendre la voix du peuple

Lors du meeting unitaire contre le traité de Lisbonne à Montpellier, le 6 décembre 2007. MICHEL SOUDAIS

Du côté du Comité national pour un référendum (CNR), dont Politis soutient l’initiative, on engrange les signatures (60 500 recensées au 7 janvier). « L’organisation d’un nouveau référendum est une exigence démocratique majeure pour notre pays » , souligne le texte de l’appel. Avant de rappeler que le président de la République devra organiser une consultation populaire si au moins 2/5e des députés et sénateurs s’expriment, dans quelques semaines, contre la modification de la Constitution française. Une étape obligatoire avant l’éventuelle ratification du nouveau traité. En sus de l’appel pour le référendum à parapher, les citoyens peuvent donc contacter directement leurs élus locaux [^3], classés par département, via un courriel au texte prérédigé. En un clic, l’internaute sait, en outre, si son représentant a signé ou non l’appel du CNR. Quelques exemples ? Dans les Vosges, pas un des six élus (tous UMP) n’a signé l’appel. En Haute-Vienne, même chose pour les six représentants du peuple (tous PS). Même si 104 députés et sénateurs sont déjà sortis du bois, un gros travail de lobbying citoyen reste à faire. Il s’agit de convaincre, in fine , au moins 365 parlementaires. Et le temps presse : la consultation des élus sur la modification de la Constitution est fixée au 4 février 2008.

Autre technique, même dessein, pour le mouvement du 29 mai [^4], dans lequel sont engagés certains lecteurs-correspondants de Politis . Ce collectif a choisi « la lutte juridique et le recours à la Constitution » pour faire entendre la voix du peuple. L’action consiste à déposer une plainte collective contre la ratification parlementaire du traité ­ chacun peut s’y engager ­ devant la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, révèlent les instigateurs de l’action, « la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH), une convention internationale indépendante de l’Union européenne, mais que l’UE a l’obligation de respecter, consacre en son article 3 […] le droit du peuple à des élections libres pour le choix des représentants au corps législatif » . Or, selon le collectif, « le droit à des élections n’a pas été respecté dans le cadre de l’adoption du traité de Lisbonne » .

En premier lieu, dans la mesure où le traité de Lisbonne est une loi, celle-ci « aurait dû être rédigée par un organe législatif élu au suffrage universel ». Mais elle a été rédigée par la Conférence intergouvernementale, qui regroupe les représentants des gouvernements. Préalablement à sa convocation, « la France aurait donc dû organiser des élections afin de désigner au suffrage universel les représentants français à la conférence ». En méprisant ce processus, « la France a violé le droit à des élections, protégé par l’article 3 du protocole n° 1 » , estime le collectif. Deuxième argument avancé : « La rédaction d’un traité illisible et le refus d’un référendum pour la ratification du traité visent à empêcher les citoyens d’exprimer librement leur opinion sur le traité. » Une entourloupe qui viole le même article 3, selon le site 29mai.eu.

Grâce à cette plainte contre la décision de ratifier le traité de Lisbonne par voie parlementaire, « il serait donc possible d’obtenir une décision juridiquement contraignante de la Cour ordonnant à l’État français de stopper le processus de ratification » . Au 4 janvier, plus de 700 plaintes avaient été déposées devant la Cour européenne des droits de l’homme. Signature des appels, pressions auprès des élus, action en justice : citoyens de tous bords, il reste trois semaines pour agir.

[^3]: Recension des personnalités et collectifs appelant au référendum, qu’ils soient classés à droite, au centre ou à gauche : –.

[^4]: . Requêtes à envoyer à : plaintes@29mai.eu.

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