Sur la route

« Into the Wild », de Sean Penn, film panthéiste, contestataire
et biographique.

Christophe Kantcheff  • 10 janvier 2008 abonné·es

Le jeune «~héros~» du dernier film de Sean Penn en tant que réalisateur, Into the Wild («~dans la nature~»), est d’une force de caractère peu commune. Brillant diplômé de l’université, Chris serait voué à un bel avenir s’il n’avait gardé un esprit tranché, intransigeant, rétif à tout compromis. La comédie sociale et le confort moderne lui répugnent, il ne supporte pas les hypocrisies familiales. D’aucuns pourraient voir en lui un adolescent attardé, mais cet état d’esprit lui donne une formidable énergie, celle, en particulier, de couper les ponts avec son entourage et de se lancer seul sur les routes. Nourri non par Kerouac mais par des poètes panthéistes ­ Lord Byron, Thoreau… ­, Chris a donné pour but à son épopée, qui passe par les quatre coins des États-Unis, un tête-à-tête avec une nature difficile, au moins aussi intransigeante que lui, en Alaska.

Into the Wild est fondé sur des faits réels, l’histoire de Christopher McCandless qui, dans les années 1990, à 22 ans, a effectivement rompu avec son milieu pour se confronter à l’«~authenticité~» d’une vie rustique. Si Sean Penn a sincèrement éprouvé la nécessité de mettre en images cet itinéraire, il n’a pu ignorer qu’il résonne très «~années 1970~». La bande-son en témoigne directement, où figurent des groupes de cette époque (Canned Heat, Creedence Clearwater Revival). Sur sa route, Chris rencontre aussi un couple de hippies vieillissants, qui marquent une fidélité à ces années de contre-culture.

Beaucoup de mythologies, donc, dans Into the Wild : la route, la nature, la poésie, et les années 1970. C’est une des options qu’offre encore aujourd’hui le cinéma américain quand il est chargé d’un certain esprit contestataire. Et malgré quelques clichés et couchés de soleil, ce n’est pas la pire, d’autant que le film ne tombe pas dans le chromo ou la nostalgie. En outre, Sean Penn et son jeune acteur, Emile Hirsch, sont prodigues en énergie et en sincérité. Ils donnent à voir le combat de Chris, qui est d’abord un combat avec lui-même, certes sans distance, mais sans esbroufe non plus ni roublardise.

Culture
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