Théo, le sage

L’ancien président du Conseil représentatif des institutions juives de France évoque ses engagements d’homme de gauche profondément laïque.

Denis Sieffert  • 7 février 2008 abonné·es

Lire Théo Klein est toujours réconfortant. Sa « manière d’être juif » ­ « une » parmi d’autres, suggère-t-il précautionneusement ­ est une constante invitation à la profondeur et au dépassement de l’histoire. Cette façon de résoudre d’apparentes contradictions, non dans la douleur et l’hostilité, mais avec sérénité, agit comme un mode opératoire offert à chacun.

À bientôt 88 ans, l’ancien président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) évoque dans ces Conversations avec le journaliste Jean Bothorel ses engagements d’homme de gauche profondément laïque. Tout est revisité, du scoutisme à la Résistance, de la création d’Israël à la deuxième Intifada. On peut évidemment ici ou là diverger sur l’analyse des événements, et juger différemment des personnalités sur lesquels ­ il en convient ­ il lui arrive de se méprendre. Mais ce n’est jamais l’essentiel, parce que la voix qui nous parle est celle d’un honnête homme. Une voix pétrie de culture juive, qui nous dit sans heurts tenir la Torah pour « un projet de société » et avoue n’avoir « jamais eu la foi » ; qui considère le Dieu unique de Moïse comme « principe constitutionnel suprême » et ne croit pas en Dieu ; qui respecte les particularismes « au niveau de l’individu » mais ne veut jamais « les encourager ».

Les polémistes n’auront aucune peine à faire l’inventaire des contradictions. Les autres, comme nous, y verront l’expression d’une dialectique profondément humaine. Si les polémistes ne l’épargnent pas, c’est qu’à force de revendiquer tranquillement sa liberté de parole, Théo Klein est devenu, bien malgré lui, un dissident au sein de la communauté juive organisée. Une voix solitaire parmi celles que privilégient les médias. Ce n’est pas tant lui qui a changé que ceux qui semblent détenir le monopole de la parole juive.

Au fond, que lui reproche-t-on ? Sans doute de dire ceci : « Ni la Shoah ni l’État d’Israël ne constituent les fondements de la judéité. » On lui reproche de vouloir pour les Juifs autre chose qu’une « identité de douleur ». Et, sans doute plus encore, de ne jamais céder à l’aveuglement dans le conflit israélo-palestinien.

Théo Klein dénonce la politique israélienne du « fait accompli » et argumente, l’optimisme chevillé au corps, en faveur d’un « Benelux » moyen-oriental. Il ose souhaiter ­ suprême audace ­ que Jérusalem devienne la capitale des deux États. En juriste respectueux du droit (les deux ne vont pas toujours de pair), il puise ses solutions dans les résolutions des Nations unies. Que veut-on de plus ? Sinon cette belle philosophie qui nous invite à croire qu’il y a « toujours une espérance » .

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Quand la justice menace (vraiment) la démocratie
Idées 11 décembre 2025 abonné·es

Quand la justice menace (vraiment) la démocratie

De Marine Le Pen à Nicolas Sarkozy, plusieurs responsables politiques condamnés dénoncent une atteinte au libre choix du peuple. Un enfumage qui masque pourtant une menace juridique bien réelle : celle de l’arbitrage international, exercé au détriment des peuples.
Par François Rulier
Valérie Masson-Delmotte : « Les questions de climat et d’énergie sont les premiers marqueurs de la désinformation » 
Entretien 10 décembre 2025 abonné·es

Valérie Masson-Delmotte : « Les questions de climat et d’énergie sont les premiers marqueurs de la désinformation » 

Il y a dix ans, lors de la COP 21, 196 pays s’engageaient dans l’accord de Paris à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) pour contenir le réchauffement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels. Depuis, la climatologue ne ménage pas son temps pour faire de la vulgarisation scientifique et reste une vigie scrupuleuse sur la place des faits scientifiques.
Par Vanina Delmas
Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !
Essais 5 décembre 2025 abonné·es

Désoccidentalisez… il en restera bien quelque chose !

À travers deux ouvrages distincts, parus avec trente ans d’écart, le politiste Thomas Brisson et l’intellectuel haïtien Rolph-Michel Trouillot interrogent l’hégémonie culturelle des savoirs occidentaux et leur ambivalence lorsqu’ils sont teintés de progressisme.
Par Olivier Doubre
Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »
Entretien 4 décembre 2025 abonné·es

Appel des intellectuels de 1995 : « Bourdieu a amendé notre texte, en lui donnant une grande notoriété »

L’historienne Michèle Riot-Sarcey a coécrit avec quatre autres chercheur·es la première version de l’Appel des intellectuels en soutien aux grévistes, alors que le mouvement social de fin 1995 battait son plein. L’historienne revient sur la genèse de ce texte, qui marqua un tournant dans le mouvement social en cours.
Par Olivier Doubre