« Un journal et un club »

Dernier né de la presse en ligne, MediaPart a ouvert
le dernier jour des municipales. Entretien avec l’un de ses fondateurs, Edwy Plenel, qui fait le pari du payant.

Jean-Claude Renard  • 20 mars 2008 abonné·es

Vous créez aujourd’hui MediaPart sur la toile. Pourquoi un journal en ligne maintenant ?

Edwy Plenel : Pour deux raisons. L’une répond à une urgence démocratique, l’autre veut relever le défi d’une révolution technologique industrielle. Pour l’urgence démocratique, tout le monde voit la situation dramatique de la presse quotidienne en France, le poids de l’oligarchie financière, la contrainte qui pèse sur les rédactions. Créer un quotidien sur le Net est une façon de répondre à ce défi démocratique, au moindre coût, par rapport à ce que coûterait un quotidien papier.

D’autre part, Internet n’est pas pour nous quelque chose en plus du papier, de la radio ou de la télévision, mais le témoignage d’une révolution technologique qui change profondément les relations entre les journalistes et les lecteurs. Il y a là, au-delà des instruments techniques, une bataille sur la toile pour y réinventer ce qui caractérise une presse de qualité, en refondant une relation nouvelle entre lecteurs et journalistes. Ces deux volets se rejoignent car au fond, avec Internet, on peut réinventer cette relation particulière entre un journal et ses lecteurs, le sentiment de fidélité, d’appartenance, d’adhésion, en permettant que le journal soit en même temps participatif, que les lecteurs y collaborent, discutent.

Justement, quel sera le contenu éditorial, la ligne politique de ce journal ?

Nous sommes un quotidien indépendant, d’informations générales. Le mot indépendant n’est pas un vain mot : c’est la première fois depuis très longtemps que des journalistes prennent le risque de quitter un média existant pour un autre journal, financé majoritairement par les journalistes fondateurs, et contrôlé par l’équipe fondatrice
[^2]. C’est un événement en soi. Nous partageons une vision radicalement démocratique du rôle de l’information, avec la nécessité de tout traiter, y compris les nouvelles qui nous dérangent, qui heurtent nos sensibilités, nos convictions.

Le rôle du journaliste est d’être un enquêteur, un investigateur. Nous ne pensons pas que le premier rôle du journaliste soit d’exprimer ses propres opinions. L’expertise, l’opinion, le jugement sont des droits de citoyens, qui appartiennent à tout le monde, aux journalistes comme aux autres. En revanche, il y a une compétence particulière du métier de journaliste, qui est la recherche de l’information, sa vérification, l’enquête sur l’opacité financière, sur la transparence des grands enjeux publics… Tel est le défi de MediaPart.

Que comptez-vous apporter de nouveau, par rapport aux autres journaux en ligne ?

On ne cherche pas à se différencier à tout prix. Toutes les initiatives sont bonnes. Notre particularité est d’être un journal et un club. J’achète ce journal, et en même temps je deviens membre d’un club auquel je peux contribuer. La différence repose également sur l’acte d’achat. 9 euros par mois, 5 euros pour les moins de 25 ans, les chômeurs et les petites retraites. Ce qui équivaut à 30 ou 16 centimes par jour. Nous allons ainsi à l’encontre du modèle dominant de gratuité et d’audience sur Internet.

Sur quel nombre d’abonnés comptez-vous pour que ce soit viable financièrement ?

Nous nous sommes donné trois ans, avec un objectif d’un peu plus de 60 000 abonnés la troisième année. Nous espérions 3 000 abonnés au 16 mars. Nous avons déjà dépassé ce chiffre. Nous en espérons 25 000 au premier anniversaire de MediaPart.

[^2]: Edwy Plenel, Laurent Mauduit, Gérard Desportes, François Bonnet, Marie-Hélène Smiéjan, et Godefroy Beauvallet.

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