Au pied du mur

Entre Tel-Aviv et Jérusalem, le quotidien incertain de deux travailleurs clandestins palestiniens.

Jean-Claude Renard  • 22 mai 2008 abonné·es

Repas frugal autour d’un ragoût de tomates cuisiné sur un feu improvisé. Une vie à l’air pur, calée dans la montagne, tapissée de campements dérisoires. Ou plutôt les collines, celles qui surplombent Modiin. C’est la première ville nouvelle d’Israël, dressée entre Tel-Aviv et Jérusalem. Chaque matin, quelques hommes descendent des collines pour aller marner. L’un d’eux a 19 ans, employé clandestin sur les chantiers de Modiin depuis six ans. Originaire de Yata, près d’Hébron, il subvient aux besoins de sa mère et de ses six frères et sœurs. Pas le choix. Un autre est à peine plus âgé, 20 ans, aîné d’une famille de huit enfants, originaire du village de Za’atra près de Bethléem. Il travaille ici depuis sept ans.
Filmés par Ido Haar, tous deux incarnent le sort de milliers de Palestiniens des territoires occupés, embauchés sur les chantiers de construction israéliens. Avec le bouclage des territoires, interdisant le mouvement de main-d’œuvre et la circulation des biens, ils sont devenus illégaux. Mais contraints, faute de boulot chez eux.

Caméra tantôt à l’épaule, tantôt à la main, le réalisateur livre donc l’ordinaire de ces deux travailleurs parmi d’autres. Abris improvisés, en dépit de la pluie, du froid, matelas, couvertures, bric et broc de tout et de rien. Ils s’efforcent d’améliorer leur existence en rapportant ce qu’ils trouvent dans les poubelles, les décharges, au hasard de la rue. Un pèse-personne, des pièces d’ordinateur. Chaque soir, façon veillée, ils échangent des mots. Ça poétise dans la nuit, ça rêve d’amour, de mariage, dans la hantise des descentes de police, des raids militaires. La construction de la barrière de séparation est une angoisse supplémentaire. Dans quelques mois, elle sera terminée. Ceux qui parvenaient à passer pour aller travailler n’auront plus aucun moyen de gagner leur vie. Ido Haar ajoute très peu de commentaires. Les conversations se suffisent à elles-mêmes. Explicites.

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