Courrier des lecteurs Politis 1004

Politis  • 29 mai 2008 abonné·es

Michèle Bernard

Sortant enthousiasmée, une fois de plus, d’un spectacle de Michèle Bernard, j’ai envie de vous écrire ceci : si vous faites un grand article sur Cali ou Manu Chao, faites alors la même chose sur Michèle Bernard ! C’est vrai, vous aviez (et j’en avais été ravie) signalé la sortie de son dernier album, mais je crois qu’elle mérite plus. Si l’on parle d’engagement dans la chanson, je pense qu’elle est concernée à trois titres au moins : par ses textes, par sa distance d’avec le monde du showbiz et d’un grand nombre de médias, et par ce que j’ai vécu, donc, à Villaines-la-Juhel, où je suis allée l’écouter. Je me suis retrouvée dans une salle des fêtes où tous les âges étaient réunis. La soirée était organisée en deux parties : une première avec des groupes d’enfants qui chantaient ses chansons, résultat d’un an de travail ponctué de rencontres avec l’artiste. Puis une deuxième partie, où Michèle Bernard et le talentueux pianiste Jean-Luc Michel jouaient et chantaient devant un public qui, manifestement, n’avait pas l’habitude d’écouter ce genre de chansons. […] Et ça passe. L’écoute est de qualité, les applaudissements, chaleureux. […]

Aujourd’hui, où il est plus que jamais urgent de permettre à la culture de se déployer dans son rôle d’ouverture du cœur, du regard et de la pensée, ces actions-là me semblent indispensables et véritablement engagées.

Cette chanteuse, au regard et à la voix pleins d’humanité, mérite qu’on l’écoute et peut-être même qu’on lui donne la parole dans Politis…

Katy Destres, Brain-sur-l’Authion (Maine-et-Loire)

La surpêche

La crise de la pêche montre à quel point notre démocratie est confisquée au profit de minorités qui, en dépit de leurs incivilités, bénéficient d’une consternante complaisance politico-médiatique. Normalement, l’océan et ses ressources devraient être considérés comme un bien collectif, et l’on devrait pour le moins associer l’ensemble des citoyens, les défenseurs de la nature et les scientifiques à leur gestion. Or, actuellement, ce sont les industriels de la pêche qui font la loi en toute impunité, et ce avec de nombreux abus et fraudes impunis. Dans ce contexte, offrir de nouvelles subventions aux pêcheurs, que ce soit pour compenser la hausse du prix du gazole ou pour d’autres raisons, n’est qu’une fuite en avant. Cela ne peut qu’aggraver le problème de la surcapacité technique des flottes de pêche, alors qu’aux dires des scientifiques la plupart des stocks de poissons sont surexploités et que la pêche non sélective détruit beaucoup d’autres espèces. Or, en bloquant les ports et les dépôts de carburant, les pêcheurs utilisent des procédés antidémocratiques, à l’instar des paysans productivistes et des chasseurs abusifs, eux aussi, hélas, intouchables. Et cela confirme l’hypocrisie du slogan de la «tolérance zéro», que brandit si volontiers le président de la République. D’ailleurs, il y a quelques années, à Marseille, les mêmes pêcheurs avaient, en toute impunité, bloqué le port et agressé le mouvement Greenpeace pour l’empêcher d’informer le public sur le risque d’extinction du thon rouge. Aussi serait-il temps que les élus et les pouvoirs publics, au lieu d’être les laquais d’une minorité, se donnent les moyens de défendre l’intérêt général et d’aider avant tout les quelques pêcheurs respectueux de l’écologie. Il faudrait donc créer de toute urgence de grandes réserves marines pour favoriser le repeuplement en poissons et adopter un moratoire en faveur des espèces menacées, comme le thon rouge de Méditerranée et la morue de la mer du Nord.

Jean-Claude Courbis, Chambéry (Savoie)

Indignations sélectives

Nous avons reçu de Jacky Mamou, président du collectif Urgence Darfour, le courrier suivant:

Dans le n°~998 de Politis, Rony Brauman a proféré à mon encontre des calomnies qui attentent à mon honneur. Faisant référence à un débat auquel nous participions tous les deux à la Sorbonne, avec Xavier Darcos, au cours duquel les situations du Tibet et du Moyen-Orient ont été évoquées, il m’attribue une position selon laquelle «la mort, la torture, l’emprisonnement n’ont pas vraiment d’importance quand c’est le fait de démocraties». Ce que je n’ai évidemment jamais déclaré ni pensé. J’ai déjà signé, faut-il le rappeler, plusieurs appels exigeant le respect des droits des Palestiniens, l’évacuation des territoires et la solution politique de deux États pour deux peuples. Ces exigences sont des évidences pour tous ceux qui espèrent sincèrement la paix entre Israéliens et Palestiniens.

Quant au boycott de la cérémonie d’ouverture des JO de Pékin, j’y suis favorable car la société chinoise ne permet aucune expression d’opposition. En revanche, évoquer la pertinence d’un boycott du Salon du livre israélien m’est apparu comme une erreur stratégique majeure, consistant à exclure des écrivains comme Amos Oz, David Grossman… qui sont des militants notoires du mouvement «La Paix maintenant», évoluant dans une société où toutes les opinions peuvent s’exprimer.

Rony Brauman, si prompt à donner des leçons de morale universelle, pratique sans états d’âme un curieux deux poids-deux mesures dès qu’il s’agit du Darfour : il attaque systématiquement les défenseurs des populations darfouries, mais minimise les crimes du gouvernement islamiste soudanais. On se demande bien pourquoi.

Jacky Mamou

Interrogé par nos soins, Rony Brauman confirme que Jacky Mamou a bien dit qu’on ne pouvait mettre «sur le même plan une démocratie comme Israël et une dictature comme la Chine». Il maintient par conséquent son interprétation. Il précise par ailleurs qu’il n’est «pas plus pour le boycott des Israéliens que pour celui des Chinois». Enfin, il rappelle qu’il a qualifié de «crimes contre l’humanité les exactions du gouvernement soudanais, responsable de la mort de 200~000~personnes, tout en contestant les accusations de génocide et les conséquences que le collectif Urgence Darfour tire de celles-ci».

Courrier des lecteurs
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