Mercredi noir pour l’impasse Saint-Claude

Expulsés de l’immeuble qu’ils occupaient depuis mi-mars au coeur de Paris, les militants du collectif Jeudi-Noir vont devoir trouver un nouveau toit. Politis.fr revient sur une expulsion au parfum très politique.

Politis.fr  et  Mathilde Azerot  • 16 mai 2008
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Le collectif Jeudi-Noir a été expulsé mercredi 14 mai vers 6h du matin de l’immeuble qu’il occupait depuis deux mois , 7 impasse Saint Claude, dans le 3e arrondissement. Sur ordre de la préfecture, l’immeuble a été évacué, laissant abasourdis, sur le trottoir, ses quelque trente habitants, dont un enfant. « Ils ont défoncé les portes directement sans frapper, sans prévenir, raconte José-Xavier Morin, étudiant et développeur web, on n’a pas même pu récupérer nos affaires, elles n’ont pas été répertoriées, bref, on espère que rien ne va disparaître » .

Adjoint au logement à la mairie (PS) du 3e arrondissement, Gauthier Caron-Thibault s’étonne que la mairie n’ait pas été avertie préalablement de l’expulsion, comme c’est en principe le cas. « La coutume veut que la police et la préfecture nous appellent la veille au soir vers 20h pour nous informer d’une expulsion. C’est une incompréhension totale » . Les membres de Jeudi-Noir soutiennent, quant à eux, n’avoir jamais reçu d’avis d’expulsion.

Le 3 avril dernier, le tribunal d’instance avait ordonné en référé l’expulsion des habitants après qu’un architecte de sécurité a déclaré le bâtiment insalubre. Les militants de Jeudi-Noir avaient alors entrepris de nombreux travaux : système électrique remis aux normes, condamnation d’une verrière jugée dangereuse, mise en place de sorties de secours, de détecteurs de fumée, etc. Mais depuis, aucune autre visite de contrôle n’avait été effectuée. Le maire du 3e arrondissement, Pierre Aidenbaum, avait dès le début soutenu l’initiative de ce collectif formé de jeunes actifs mal logés décidés à faire entendre leur voix en « réquisitionnant » des immeubles inhabités. La mairie d’arrondissement avait par ailleurs affiché la volonté d’acquérir cet immeuble situé en plein cœur du Marais pour aménager des logements sociaux.

Selon José-Xavier Morin, l’expulsion revêt un caractère politique. « La préfecture dépend du ministère de l’Intérieur et donc du gouvernement et eux n’ont aucun intérêt à ce que la mairie construise des logements sociaux. Cela constituerait un bilan positif pour la mairie de Paris » . Gauthier Caron-Thibault est, lui, plus prudent et avoue ne pas réussir à décrypter l’attitude de la préfecture : « C’est le pouvoir public qui montre son visage, toujours le même, on expulse à tour de bras. J’espère que l’on n’est pas en train de vivre une tension encore plus forte entre la préfecture et la mairie de Paris. » , s’inquiète-t-il.

Inoccupé depuis une dizaine d’années, cet immeuble, sous le coup d’une liquidation judiciaire, devrait être vendu aux enchères très prochainement. La mairie assure que son ambition de racheter le bâtiment (en fonction de ses finances) est « intacte » . En attendant, les membres de Jeudi-Noir tentent de trouver des solutions provisoires pour se loger et n’excluent pas la possibilité de réitérer l’opération en investissant d’autres immeubles de la capitale laissés vacants.

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