Mythes et symboles

« Terre promise », de Dan Setton et Charles Enderlin, est une histoire de la Palestine trempée de pédagogie.

Jean-Claude Renard  • 19 juin 2008 abonné·es

En 1947, l’Assemblée générale des Nations unies votait la résolution du partage de la Palestine. Trente-trois voix pour, treize contre et dix abstentions. Le documentaire Terre promise s’ouvre sur ces images du vote, en noir et blanc, l’attente et le décompte des voix de quelques familles juives l’oreille collée au poste de radio. Avant de remonter aux origines du sionisme, à la fin du XIXe siècle, pour mieux livrer ses mythes fondateurs. En soi, le rêve messianique du retour en terre promise. Avec cette idée : un peuple sans terre pour une terre sans peuple. Importe peu alors que cette terre soit habitée. Le mouvement sioniste a besoin du moteur de la force du mythe unificateur qui fournit l’objectif et la puissance. Il s’agit de remplacer l’image du Juif de la diaspora, des ghettos, de la Torah. C’est l’utopie égalitaire du kibboutz.

La littérature et le cinéma vont renforcer l’idée de cet homme nouveau, laïc, beau gosse à la mèche rebelle. Loin des caricatures antisémites du bossu au nez crochu. Les Arabes de Palestine se méfient de ces migrants qui arrivent en nombre croissant, s’installent, défrichent. L’explosion est inévitable dès 1920. De défricheur, le pionnier devient combattant, une main sur la charrue, l’autre posée sur le fusil. L’image va rester. On crée alors le héros. Yossef Trumpeldor pour les Juifs de Palestine. Au reste, chaque camp a sa figure héroïque. Le Trumpeldor des Palestiniens est Azzedine el Qassam. Plus tard, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le génocide incitera les survivants à percevoir la Palestine comme une destination refuge.
D’emblée, le documentaire de Dan Setton et de Charles Enderlin (correspondant en Israël pour France 2) s’inscrit dans la pédagogie. Un film qui souligne les symboles, s’y appuie. Suivant les rythmes de l’histoire, la chronologie, se succèdent l’Exodus, ce vote pour la création de l’État d’Israël, le départ de l’armée britannique, les Juifs devenant Israéliens, les Arabes restant Palestiniens. Puis le mythe mensonger du Palestinien fuyant sa terre ; Ben Gourion en promoteur de la solidarité nationale ; la guerre des Six-Jours et cette image des chaussures de combattants arabes abandonnées sur le sable chaud ; le mythe effondré de l’infériorité arabe lors de la guerre d’octobre 1973 ; la poignée de main d’Anouar el Sadate et de Menahem Begin… Les incompréhensions et les tensions pourraient se résumer avec le sabra, le fruit du cactus, avec ses épines à l’extérieur, son goût suave à l’intérieur. Le sabra, symbole de l’Israélien né dans le pays, mais aussi symbole de la résistance palestinienne.

Aux images d’archives, dont plusieurs sont inédites, puisées dans un siècle d’histoire, se mêlent diverses interventions. Dont celles d’Uri Avnery, journaliste, écrivain, ancien député de la Knesset et animateur du mouvement pacifiste Gush Shalom, Gideon Ofrat, historien de l’art, Yehoshouah Sobol, dramaturge, Hahan Porat, fondateur du mouvement des implantations… Au discours pédagogique, militant pour le rapprochement des peuples, les auteurs du film ajoutent une honnêteté intellectuelle. Pas de parti pris, sinon celui de l’histoire, celui des faits. Rien d’étonnant quand on sait l’honnêteté journalistique de Charles Enderlin.
Une honnêteté pourtant régulièrement remise en question. Encore récemment (le 26 mai), le journaliste était débouté par la Cour d’appel de Paris dans son procès en diffamation sur l’affaire du petit Mohamed Al Dura, abattu par l’armée israélienne en 2000. Ni plus ni moins, on reproche à Enderlin de faire son métier quand la répression israélienne s’abat sur les Palestiniens.

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