Un demi-siècle d’injustice

Au Sénégal, le témoignage amer d’anciens combattants sur la revalorisation de leur pension.

Jean-Claude Renard  • 12 juin 2008 abonné·es

Souleymane, Issa, Damé… Ils ont porté l’uniforme de l’armée française. Ils sont de ces tirailleurs sénégalais qui ont attendu quarante-sept ans avant de percevoir la même retraite que les anciens combattants blancs. Originaires d’une vingtaine de pays d’Afrique et d’Asie, ils sont 80~000 encore à avoir été de tous les conflits. Sur un million de soldats, un sur dix est mort pour la France. Parce que, comme l’observe un vieillard, «lorsque la balle arrive, elle ne fait pas de distinction entre les Noirs et les Blancs». Cette inégalité des retraites date de la loi de «cristallisation» de 1959. Elle est simple : aux Français, des pensions guère élevées mais indexées sur le coût de la vie. Aux appelés du contingent des anciennes colonies de l’empire, des pensions gelées et fixées, selon le pays d’origine, de 3 à 30~% du montant de celles de leurs homologues français.

Cette différence a longtemps vécu, jusqu’à ce que Jacques Chirac assiste à une projection du film de Rachid Bouchareb, Indigènes, en 2006. Le 1er juillet 2007, la revalorisation des pensions entrait enfin en vigueur. Pour en mesurer l’impact, Frédéric Chignac s’est rendu au Sénégal, à la rencontre d’une poignée de bénéficiaires.

Certains ont participé au débarquement sur l’île d’Elbe, d’autres ont été engagés quinze ans, en Indochine puis en Algérie. La «décristallisation» a valu des pensions trois fois supérieures, s’élevant à 260~euros par semestre. Pour les pensions réservées aux invalides de guerre, la somme est neuf fois supérieure. En revanche, les retraites des militaires de carrière ne sont pas concernées. Et pourtant, « c’est notre vie, dit l’un d’eux. On n’a pas d’autre souvenir ». « Mon sentiment, poursuit un autre soldat, c’est que la France est une nation ingrate, une mère qui a oublié ses enfants. » Une amertume sans prix.

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