Une fille sur le pont

Révélation d’une actrice québécoise, Sophie Cadieux,
dans un monologue dramatique.

Gilles Costaz  • 12 juin 2008 abonné·es

Généralement tourné vers l’Afrique, le Maghreb et le Moyen-Orient, le Tarmac accueille à présent le Québec. Cette fille-là n’est pas une pièce du Canada francophone puisque l’auteur, Joan MacLeod, écrit en anglais. Mais la traduction en français par Olivier Choinière semble faire passer le texte dans le camp québécois, tant elle prend les couleurs du langage de la «Belle Province» et tant le monde dont il est question est proche du nord du Québec. Il n’y a en scène qu’une jeune fille, sur un pont en planches qui évoque l’île où vit le personnage. Cette adolescente se raconte ; elle va rarement à l’école, et tant pis pour les avertissements. Elle préfère sa liberté et le groupe de luronnes auquel elle appartient. Elle court le plus souvent à la plage. «Mes crimes, je les garde pour le Magasin général» , dit-elle, exprimant par là qu’elle n’outrepasse la loi que pour faire quelques vols dans le principal commerce du bourg.

Oui, elle ne commet que quelques larcins. Mais, en parlant, elle ose dire ce qui s’est passé : une de ses amies a été assassinée par ses propres camarades, par jeu, parce qu’elle était une cible facile, quasi consentante. La narratrice se rend compte qu’il y a en elle cette violence. On ne sait plus très bien qui a fait quoi. Mais il y a une morte et ce silence qu’il faut briser…

C’est un moment d’une heure, que le metteur en scène Sylvain Bélanger a voulu immobile. Assise sur les planches du pont, la comédienne, Sophie Cadieux, s’appuie sur ses coudes, s’allonge parfois et s’exprime d’une voix détachée. Mais, peu à peu, les mots deviennent brûlants. Cette diction d’ado désinvolte ne se brise pas, s’alourdit un peu, va vers une révélation qui se fera secrètement, ni théâtrale ni sanglotée. Il y a là, dignes d’intérêt, un auteur, un metteur en scène, mais surtout une actrice, cette Sophie Cadieux qui, rêveuse et acide, semble cristalliser la façon d’être de toute une génération.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes