Au fil des plages

À travers l’évolution des bains de mer, une histoire des mœurs françaises vue du sable.

Jean-Claude Renard  • 17 juillet 2008 abonné·es

Du côté de Dieppe. Dessinées par l’impératrice Eugénie, les pelouses qui séparent le front de mer de la plage témoignent de la période légère et fastueuse de la cité. En 1823 et les étés suivants, la duchesse du Berry se baigne vêtue d’une robe en laine, coiffée d’une toque et chaussée de bottes. Sans mesurer l’impact de son geste, elle lance ainsi la mode des bains de mer, attirant le Tout-Paris. Les plages de la Manche deviennent un lieu prisé.
Au mitan du XIXe siècle, quand le chemin de fer pousse jusqu’à la mer, le bain se démocratise. La haute société se déplace à Trouville, où les élégantes martèlent le sable au bras des distingués crânant. Affranchis de l’accoutrement de la duchesse, bientôt quelques baigneurs se risquent à la trempette en maillot. Conduits à l’eau dans des cabines à roulettes, ils se changent à l’abri des regards, se mouillent en tenue légère. C’est sans doute trop osé. En tout cas suffisamment pour que la municipalité, soucieuse de moralité, décrète qu’hommes et femmes ne doivent pas nager ensemble. Foin de promiscuité. Un poteau sépare alors les représentants des deux sexes dans l’eau. Et, toujours au XIXe siècle, un gamin est condamné à Dieppe pour s’être baigné nu dans la mer.

À peine plus au nord, à Berck, dans le Pas-de-Calais, il est même « défendu à toute personne en état de nudité de parcourir la plage et d’y établir aucun jeu qui puisse porter atteinte à la décence et à la moralité publique. Tout individu qui voudra se baigner ne pourra le faire que hors de la vue publique et dans des lieux écartés désignés par l’autorité municipale ».
Au fil des images qui longent les côtes françaises, Dominik Rimbault retrace ainsi l’histoire des grandes stations balnéaires. Deauville et Cabourg, Dinard et Biarritz, Collioure et Saint-Tropez. Hôtels de luxe, casinos, champs de course. Le toutim du bien-être de l’aristocratie et de la bourgeoisie, un privilège qui n’échappera pas aux petites classes. Mais bien plus tard. Si ce tour de France s’accompagne d’une autre évolution, celle des codes vestimentaires, du costume de bain six pièces au bikini, il rend compte également de la libération des mœurs.

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