Ils ont choisi de s’en passer

Plusieurs pays européens ont décidé de sortir du nucléaire, notamment l’Allemagne, l’Espagne
et la Belgique. Comment font-ils ?

Manon Besse  • 10 juillet 2008
Partager :

Le nucléaire ne passera plus par là. En 2002, la loi de sortie du nucléaire en Allemagne prévoit l’arrêt progressif de ses 17 réacteurs nucléaires d’ici à 2021. ­L’Espagne, quant à elle, ne compte pas renouveler son parc nucléaire. Les huit centrales encore en action de l’autre côté des Pyrénées devraient donc être fermées d’ici à 2027. La Belgique a décidé de sortir de l’énergie atomique en 2003. La dernière centrale du pays devrait ainsi cesser de fonctionner en 2025.
Cette sortie du nucléaire s’accompagne généralement d’un fort investissement dans le domaine des énergies propres. En Allemagne, la loi EEG sur le développement des énergies renouvelables a boosté le secteur : près de 125 000 emplois créés, 13 % de la production d’électricité, développement de la recherche scientifique en la matière… En 2007, le gouvernement allemand propose un « plan intégré énergie climat » (IEKP). Parmi les objectifs fixés : la réduction de 40 % d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020, 25 à 30 % d’énergies renouvelables dans la production d’électricité, ou encore la création de 500 000 emplois dans le secteur des énergies renouvelables. Cette volonté s’accompagne d’une forte augmentation du budget dévolu à l’environnement (3,3 milliards d’euros en 2008).

Si la sortie du nucléaire fait consensus en Allemagne, il n’en va pas de même en ­Espagne, où la décision de José Luis Zapatero a été vivement critiquée. Pour autant, le gouvernement espagnol n’a pas véritablement légiféré sur les énergies renouvelables. Il existe bien des systèmes de subventions ainsi qu’un développement du secteur de l’énergie solaire thermique, mais les possibilités du territoire demeurent largement sous-exploitées, en matière éolienne et photovoltaïque notamment.
De plus, si un pays comme l’Allemagne semble faire figure d’exemple en la matière, la réalité apparaît plus complexe. Sa sortie du nucléaire s’appuie ainsi sur la technologie dite du « charbon propre », consistant à capturer le CO2 à la sortie des cheminées des centrales, avant son rejet dans l’atmosphère, puis à l’injecter dans des cavités géologiques. Une technologie qui ne supprime pas intégralement les gaz à effet de serre et n’apparaît pas « commercialement viable » , d’après ­l’étude Charbon propre, mythe ou réalité ? du groupe de recherche sur le charbon auprès du ministère du Développement durable. Stéphane Lhomme, porte-parole du Réseau sortir du nucléaire, qualifie cette technique de *« porteuse de risques ».
*

Cependant, de nouvelles initiatives voient le jour, comme la création d’une agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena), projet porté par l’Espagne, le Danemark et l’Allemagne. Elle devrait se consacrer au développement conjoint et cohérent de toutes les sources (éolien, photovoltaïque, biomasse, géothermie, etc.), trop souvent considérées comme inaptes, ­prises isolément, à se substituer au nucléaire, du fait d’une production insuffisante ou intermittente.
Ces politiques, encourageantes, évitent toutefois d’aborder le cœur du problème : la nécessité de réformer nos modes de consommation énergétiques par de ­fortes économies et l’amélioration de l’efficacité des usages. Les énergies renouvelables sont ainsi encore trop souvent érigées en symbole d’une nouvelle conscience verte, qui feint d’ignorer l’urgence de cette remise en cause profonde.

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Loi Duplomb : comment le gouvernement éteint les voix paysannes
Décryptage 30 juin 2025 abonné·es

Loi Duplomb : comment le gouvernement éteint les voix paysannes



La « loi Duplomb » est discutée en commission mixte paritaire à partir de ce lundi 30 juin. Le texte ne bénéficiera qu’à une poignée de gros agriculteurs et invisibilise celles et ceux qui défendent une agriculture paysanne et vertueuse.
Par Vanina Delmas
Les cadeaux de Macron à l’agro-industrie
Agriculture 30 juin 2025

Les cadeaux de Macron à l’agro-industrie

La loi Duplomb offre de nombreux cadeaux aux défenseurs de l’agriculture productiviste. Cette générosité a émaillé les deux quinquennats d’Emmanuel Macron notamment en matière de pesticides, de fermes-usines et de mégabassines.
Par Vanina Delmas
« Stop aux marchands de mort » : au blocage de l’usine Phyteurop, avec les opposants aux pesticides
Reportage 27 juin 2025 abonné·es

« Stop aux marchands de mort » : au blocage de l’usine Phyteurop, avec les opposants aux pesticides

Plusieurs centaines de militants, paysans et habitants ont bloqué ce 27 juin cette usine de produits agrochimiques, à Montreuil-Bellay, dans le Maine-et-Loire. À quelques jours du vote de la loi Duplomb, ils dénoncent un système agricole toxique qui empoisonne les corps, les sols et les récits.
Par Maxime Sirvins
VivaTech : le salon des start-ups écocides
Reportage 13 juin 2025 abonné·es

VivaTech : le salon des start-ups écocides

Paris accueille Viva Technology, le plus grand salon européen dédié au secteur de la tech et aux start-ups. Dans ce temple de la sacro-sainte innovation, l’écologie est l’éternelle absente, cantonnée à de néfastes inventions technosolutionnistes.
Par Thomas Lefèvre