Italie : la RAI à la botte de Berlusconi

Un enquête judiciaire a montré les collusions entre le président du Conseil, propriétaire de nombreuses chaînes privées, et la télévision publique.

Olivier Doubre  • 3 juillet 2008 abonné·es

Depuis la « descente », fin 1993, de Silvio Berlusconi dans l’arène politique, le paysage audiovisuel italien a fait couler beaucoup d’encre. Première fortune d’Italie, le magnat des médias, devenu président du Conseil à trois reprises (1994, 2001 et 2008), est en effet propriétaire de la première régie publicitaire d’Italie, Publitalia, qui détient une part écrasante du marché de la pub transalpin, et d’un immense empire médiatique, allant de la plus importante maison d’édition du pays (Mondadori) aux trois principales chaînes de télévision commerciale, en passant par une multitude de petites chaînes locales.

Depuis 1993, le face-à-face entre les trois chaînes de télévision publiques de la RAI et les trois chaînes de « Sua Emittenza » (surnom de Berlusconi, contraction de « Son Éminence » et du verbe « émettre ») que sont Rete 4, Canale 5 et Italia 1, rassemblées dans sa holding Mediaset, a tourné à l’affrontement. Toutefois, les rapports entre les deux groupes se sont assagis à partir de 2001, du fait du retour au pouvoir du Cavaliere et ses alliés. N’ayant jamais abandonné la direction de Mediaset, celui-ci, en tant que président du Conseil, s’est de fait retrouvé également à la tête de la tutelle de la RAI, dont une partie des administrateurs représentent l’État, actionnaire majoritaire, au sein de l’organe de direction. Or, à l’automne 2007, une enquête judiciaire concernant une faillite frauduleuse d’un institut de sondages très lié au groupe de Berlusconi mettait en lumière un « accord secret » entre la RAI et Mediaset à partir de 2004, après le vote cette année-là par la majorité de centre-droit d’une réforme de l’organisation de la RAI. À tel point que les journaux italiens se mirent ironiquement à parler de « Raiset » ou de « Mediarai » … Des écoutes téléphoniques révélaient en effet le rôle de courroie de transmission entre les deux groupes joué par Deborah Bergamini, ancienne secrétaire personnelle de Berlusconi, judicieusement nommée à la direction de la RAI. Depuis ce poste, ses activités consistaient à veiller aux intérêts de Mediaset : elle intervint par exemple pour faire supprimer un programme très populaire d’ acces prime time avant le journal de 20 heures de RAI 1, afin d’enrayer la chute d’audience de celui de Canale 5.

Le plus bel exemple en ce sens consista à empêcher le journal télévisé de RAI 3 de parler de l’aggravation de l’état de santé du pape Jean-Paul II, à quelques heures de sa mort, alors que toutes les chaînes berlusconiennes en faisaient leurs choux gras – avec les records d’audience qu’une telle nouvelle induit dans la très catholique Italie. Mais l’action de Deborah Bergamini consistait aussi à veiller à l’image du Cavaliere sur la RAI. Ainsi, lors des élections régionales de 2005, catastrophiques pour le centre-droit, la direction de la RAI donna des ordres à ses journalistes afin de « diluer l’information » , et leur interdit toute comparaison avec celles de 1999, remportées alors par Berlusconi.
Enfin, dernière retombée de cette enquête judiciaire, on apprenait il y a quelques jours que, parallèlement à l’action de l’ancienne secrétaire de Berlusconi, un membre de l’équivalent du CSA en Italie était aussi un consultant de Mediaset et de son propriétaire, dûment rémunéré comme tel…

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