Le trip et la fièvre

Clinic et les Black Angels baignent dans un univers psychédélique : intérieur pour les uns, dynamitant l’espace pour les autres.

Jacques Vincent  • 10 juillet 2008 abonné·es

La pochette du deuxième album des Black Angels est de celles qui poussent à acheter un disque alors qu’on ne connaît strictement rien de ses auteurs. Cette spirale qui attire l’œil autant qu’elle rend difficile la lecture du titre de l’album et du nom du groupe évoque un univers psychédélique et ne ment pas sur la marchandise.
L’alliance des tons vifs, rouge et vert, renvoie à celle du premier album des 13th Floor Elevators, groupe psychédélique des années 1960, texan comme les Black Angels, formé par Roky Erickson et Tommy Hall, tous deux remerciés sur les notes de pochette.

Le premier est caractérisé par une voix aiguë et éraillée qui a été le modèle avoué de Robert Plant (il est aussi connu pour ses moments de confusion mentale qui l’ont conduit plus d’une fois en hôpital psychiatrique depuis 1968, mais il semble qu’il soit de retour ces temps-ci) ; le second avait pour particularité de jouer de la cruche électrique, détail qui comptait beaucoup dans le son du groupe et dans la couleur des balades sauvages et hallucinées qu’il composait. Les Black Angels évoquent l’instrument sur un morceau, même s’il n’est mentionné nulle part dans la liste pléthorique de ceux utilisés par les six musiciens, parmi lesquels on notera quand même, en matière vintage , vox jaguar et rogue sitar. On n’est pas avare de références quand on choisit de s’appeler les Black Angels et d’éditer sa musique sur Death Song Publishing Co. Rappelons que « Black Angel’s Death Song » est une chanson du Velvet Underground. On aurait cependant tort de s’attacher de trop près à ce détail ou au fait qu’ils reprennent sur scène « I wanna be your dog » des Stooges, sans l’accélérer, ce qui, vu la pratique habituelle, tient du miracle – ou, plus sûrement, du bon goût.

Les Black Angels évoquent surtout un groupe plus récent, les Warlocks, mais avec des compositions nettement plus élaborées, jouant sur l’envoûtement, le temps et l’espace. Elles reposent sur trois éléments : les rythmes tribaux des diverses percussions ; la voix, irréelle comme un hologramme dans l’espace ; et les guitares nombreuses, chacune jouant sa partition, égrenant des chapelets de notes en écho, griffant l’espace ou le dynamitant. La musique des Black Angles est une musique de voyage, de trip pour reprendre le vocabulaire de l’époque où le genre s’est inventé.

La musique de Clinic évoque davantage un monde intérieur, celui que le groupe s’est construit et peaufine disque après disque, de manière méticuleuse et obstinée, aussi bien à travers les photos et les vidéos où, comme sur scène, les quatre membres portent des masques de chirurgien, que les collages des pochettes et évidemment la musique, ces chansons qui, plus que jamais, baignent dans une fièvre étrange où des éléments classiques comme la fuzz guitar ou l’orgue en côtoient d’autres plus inattendus : mélodica, flûte, cloches… Do It est déjà le cinquième album du groupe. Il serait temps qu’il obtienne la reconnaissance qu’il mérite.

Culture
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