Les Verts séduits par une « Green Team »

Lors de ses journées d’été, le parti écologiste a favorablement accueilli l’idée de débattre d’un large front pour les Européennes de 2009, « de Bové à Lepage ».

Patrick Piro  • 28 août 2008 abonné·es

« Après trente-trois ans de militance, je ­retrouve la pêche ! » Samedi soir, dans le joli cloître de la faculté des sciences sociales de l’université Toulouse-I, c’est le grand sourire pour cette écologiste, comme pour le millier de participants au sortir des journées d’été des Verts (21-23 août). Par acclamation, ils viennent de donner quitus à Daniel Cohn-Bendit, qui veut lancer, pour les élections européennes de mars 2009, un large rassemblement des écologistes français, de José Bové à Corinne Lepage en passant par Nicolas Hulot, sorte de « Green Team » ouverte à des politiques, des associatifs et des personnalités.
La veille, des remous avaient accueilli Jean-Paul Besset, proche de Nicolas Hulot [^2] et l’une des chevilles ouvrières du projet, qui souhaite accueillir jusqu’aux écologistes « humanistes courageux de droite [^3] » . Ils sont pour le moment remisés. Les Verts boivent du petit-lait quand José Bové met un terme aux débats d’arrière-garde entre « ouistes » et « nonistes » du TCE de 2005, et prône, à l’image de Gandhi, la « beauté du compromis » et l’affrontement non-violent des opinions divergentes. « J’espère que nous sortirons d’ici en nous disant : qu’est-ce qu’on a été cons de ne pas avoir fait ça plus tôt ! » « Le conseil national de mi-septembre doit encore donner son aval, mais c’est une formalité, assure Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts. Nous venons de vivre un moment de grâce politique. » Un avis encore inconcevable il y a quelques se­maines à peine.
Toulouse, point de départ d’un nouveau cycle pour l’écologie politique en France ? S’il existe un « socle consensuel » naturel entre les partenaires pressentis, le programme précis, les alliances et la méthode sont à inventer : le risque est donc réel de voir le soufflé retomber rapidement. Mais il existe aussi des raisons de croire le contraire, car les intérêts respectifs sont solides.

Pour les Verts d’abord. Lors de leurs journées d’été de 2007 à Quimper, en plein doute existentiel, ils avaient engagé la réforme de leurs statuts, reportant à fin 2008 le chantier d’une « convention de l’écologie politique ». Il n’en est aujourd’hui plus question : l’offre de Cohn-Bendit fait office de travaux pratiques de substitution, derrière lesquels chacun met encore ce qu’il veut : l’amorce d’un « big-bang écolo » pour Yves Cochet et Denis Baupin, très positifs ; un exercice parallèle à des discussions à mener avec ONG, syndicats, mouvement de la décroissance, etc., pour Yves Contassot, à gauche des Verts, « et qui échouera politiquement s’il se réduit à un simple casting » ; voire une tentative « d’enfumage » pour Francine Bavay, proche de José Bové, qui souhaite désigner les candidats aux européennes par des primaires, redoutant chez « Dany » la tentation de les coopter. Lui, qui se proclame « le Usain Bolt de ­l’écologie », investit beaucoup dans la réussite de l’opération. « Nous pouvons faire 10 à 15 % des voix ! » S’il se réserve la liberté de se présenter en Allemagne si la mayonnaise ne prend pas, il sait que c’est en France que le coup est à jouer, pour renforcer le groupe vert au Parlement européen, où les Grünen allemands seraient très isolés en cas d’échec des Verts français : « C’est zéro député si nous n’y allons que sous notre logo » , avertit Yves Cochet.
José Bové est conscient que son ralliement est indispensable à la réussite de l’opération, contrepoids de gauche au glissement centriste qu’affiche l’arc cohn-bendiste. Mais s’il le conditionne à une dénonciation claire du libéralisme – qui posera problème aux amis de Nicolas Hulot – et à une représentation des mouvements sociaux (précaires, sans-papiers, etc.), son art du « compromis » lui permettrait d’échapper à la marginalisation politique, après son échec présidentiel (1,31 % des voix).

Les associatifs, enfin. Avec l’enterrement des illusions du Grenelle de l’environnement, ils opèrent de prudentes approches vers les politiques. Greenpeace et France nature environnement discuteraient. Samedi, Nicolas Hulot pesait chaque mot, réaffirmant la nécessité d’une traduction politique à l’engagement écologiste de centaines de milliers de personnes, prêt à « encourager, soutenir » , mais pas encore à « appeler à voter en ce moment »…

[^2]: À l’étranger, il avait enregistré un discours vidéo.

[^3]: Libération, 21 août 2008.

Politique
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