Le faux succès du Plan cancer

André Cicolella  • 18 septembre 2008 abonné·es

Le Plan cancer s’est terminé en 2007. Le bilan en a été tiré en juin dans la plus grande discrétion. Il fallait être un lecteur attentif du Quotidien du médecin pour lire en page 12 un article sur son « succès ». On se souvient encore du vacarme médiatique au moment du lancement. On allait voir ce qu’on allait voir, et un grand merci au président Chirac pour cette initiative. Les mêmes qui nous avaient expliqué pendant des années que les choses allaient de mieux en mieux en matière de cancer nous expliquaient alors que la situation était grave, mais que si on leur donnait les moyens, une diminution ambitieuse de 20 % de la mortalité en cinq ans pouvait être atteinte. Curieusement, le bilan a « oublié » cet objectif. Certes, la mortalité a légèrement régressé, mais, comme l’a montré une étude publiée au même moment par l’Inserm, c’est grâce au recul de cancers dont le pronostic est le plus mauvais (du poumon ou de l’œsophage). On ne le doit pas aux progrès thérapeutiques, mais à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme.

En fait, pour juger si la situation progresse ou non, le bon chiffre est celui des nouveaux cas (l’incidence). Mais là, aucune amélioration. Au contraire, l’épidémie s’est étendue : 250 000 nouveaux cas en 2002, 320 000 en 2007, soit 28 % d’augmentation en cinq ans ! Le cancer touche un homme sur deux et une femme sur trois, la moitié en meurt, la maladie est aujourd’hui la première cause de mortalité. Entre 1980 et 2005, le taux d’incidence annuel a presque doublé : 95 % chez l’homme et 84 % chez la femme, dont près de 55 % sont liés à l’environnement !
En clair, le Plan cancer est un échec, malgré 640 millions d’euros dépensés. Échec d’une stratégie qui consiste à croire que la solution est principalement curative. Or, il n’y a pas eu de progrès thérapeutiques majeurs en trente ans. En France, pendant cette période, l’espérance de vie à cinq ans des malades n’a que modestement progressé (de 52 % à 55 %). Mais il faut dire que les médicaments de chimiothérapie sont un excellent filon pour l’industrie pharmaceutique ; ils contribuent pour presque 20 % à la croissance de l’ensemble de son marché.

De fait, la cause de l’échec réside dans la négation du rôle de l’environnement. L’Institut national des sciences de la santé environnementale aux États-Unis estime que deux cancers sur trois sont liés à l’environnement au sens large du terme : tabac et alcool, mais aussi pollutions et alimentation. En France, on ne veut voir, sous l’impulsion de l’Académie de médecine, que le tabac et l’alcool. C’est tellement plus commode que de s’attaquer à l’industrie chimique ou agroalimentaire. Il est indispensable que le 2e Plan cancer se dote d’un volet environnemental sérieux.

Écologie
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