« Pour un parti communiste d’ouverture »

Marie-Pierre Vieu, membre du comité exécutif national du PCF, dénonce l’immobilisme de son parti. Elle revient sur les raisons qui l’ont conduite à signer l’Appel de « Politis ».

Michel Soudais  • 11 septembre 2008 abonné·es

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Le conseil national du PC vient de poser le cadre de discussion du congrès et de fermer la porte à une rupture. Comment envisagez-vous la suite ?

Marie-Pierre Vieu : La « métamorphose » du parti communiste ne va pas se régler d’ici à décembre. C’est un processus. L’important, c’est qu’au congrès on donne le signe que nous voulons vraiment transformer radicalement le parti communiste. Non pour en finir avec la question du communisme, je le précise, mais pour construire un parti des communistes opérant par rapport à la société d’aujourd’hui. Moi qui suis sur une ligne profonde de transformation, de rupture avec le PC tel qu’il est aujourd’hui, je ne considère pas brader le communisme politique du XXIe siècle. Au contraire, le meilleur moyen d’enterrer mon parti, c’est d’être immobile par rapport à la situation actuelle et à la gauche.

Le débat va-t-il se poursuivre ? Et est-il bien abordé ?

Bien sûr qu’il va se poursuivre. On est encore timide sur le constat qu’on porte sur notre société, sur notre rapport à cette société, les solutions portées et les transformations de notre propre parti. À un certain moment, il faut sauter le Rubicon et être volontariste. Il y a un débat à mener, et on le mènera. Il faut tenir davantage un langage de la vérité, pousser plus loin le débat et que la direction y aide.

Illustration - « Pour un parti communiste d’ouverture »

« La question du départ de Marie-George Buffet n’est pas taboue. » Tucat/AFP

Le fait-elle ? Même le départ de Marie-George Buffet n’est plus certain…

Le plus important, ce sont les transformations que l’on va apporter en termes théorique et stratégique ou sur le parti. Maintenant, d’un point de vue symbolique, il faudra aussi donner des signes visibles de cette transformation. La question du départ et de la succession de Marie-George Buffet se pose sur ce terrain, qui est celui de la communication et du rajeunissement. Elle n’est pas taboue. Je ne pense pas d’ailleurs que ce soit la question sur laquelle on sera le moins ­volontariste. Au final, il n’est pas impossible que la seule transformation profonde soit celle-là.

Sentez-vous une majorité de militants et de responsables prêts à opérer un vrai changement, ou le conservatisme risque-t-il encore de l’emporter ?

Je sens beaucoup d’interrogations sur une construction pas seulement communiste mais révolutionnaire, voire de gauche, dans la société, et aussi – c’est une constante chez les communistes – l’envie de se battre et d’en découdre. Contrairement à une idée reçue, les communistes sont des gens qui savent évoluer et l’ont prouvé dans l’histoire, pour peu que l’on porte le débat sur le fond politique et non sur des artifices (liquidation ou pas, les gentils et les méchants, etc.). Secrétaire d’une fédération, je vois des papys de 80 ans aborder les questions de manière dialectique et politique, et comprendre qu’on ne peut pas avoir le même parti qu’en 1930 ou 1970, que cela va demander que l’on fasse des abandons pour rester communistes et maintenir un parti avec des communistes et des références communistes. De ce côté-là, j’ai confiance.
Mais on est parfois paralysé par la crainte de s’affaiblir plus en bougeant trop ; au nom de l’unité, on fait des petits pas timides au lieu d’en faire des grands. Le débat mûrira d’autant plus que l’on donnera des signes de confiance et qu’on ne le caricaturera pas. Je me félicite de prises de positions parfois dissonantes, mais toutes intéressantes, de dirigeants très divers. Je ne veux pas remettre en cause cette diversité, bien au contraire. Car tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.
En même temps, on ne vit pas dans une bulle. Il faut que le parti prenne aussi de grandes initiatives par rapport à la rentrée sociale, et j’espère qu’on va en prendre également sur la question européenne, qui, l’an prochain, sera centrale pour une politique alternative en France ou pas. Les Verts et le NPA ont déjà pris des ­initiatives. Les communistes, sans s’arrêter au prisme politique de 2005, ont une responsabilité pour que la gauche, qui s’était majoritairement rassemblée pour une autre construction de l’Europe, puisse avoir des représentants au Parlement européen l’an prochain. Le PC doit aussi pousser à ­l’émergence de nouveautés dans le paysage politique. On ne peut pas accepter que la vie politique se résume dans quinze ans au face-à-face entre un pôle libéral et un pôle démocrate avec, à côté, une gauche protestataire. Je plaide donc pour un parti communiste d’ouverture qui se transforme jusqu’à dépasser peut-être un jour ce qui constitue aujourd’hui ses fondations.

Vous êtes signataire de l’Appel de Politis . Peut-il converger avec vos espoirs de transformation et de dépassement du PC ?

Je n’ai pas signé l’Appel de Politis pour faire du lobbying sur mon parti, mais parce qu’il m’apparaît urgent de créer des passerelles entre des courants de gauche (communistes, socialistes, écologistes alternatifs, etc.) pour construire une alternative majoritaire face au libéralisme et au capitalisme. Il existe trop peu de moyens de faire converger cette diversité, et cet appel en est un. Ensuite, j’ai signé pour rencontrer des intellectuels et des gens décalés par rapport à la politique telle que, moi, je la vis.
Cet appel permet de faire entrevoir une sorte d’arc-en-ciel auquel il serait utile de donner une réalité politique. Cela donne matière à réfléchir et à construire. Pour quelqu’un qui, comme moi, appartient à un parti politique, l’avoir signé est donc un peu subversif. Mais je revendique cette subversion parce que cet appel est vivant, de nature à faire bouger les lignes, et qu’il nous fait du bien individuellement et collectivement.

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