Défier l’ordre

À Tours, Gilles Bouillon met en scène la surveillance sociale chez Marivaux dans un esprit décalé.

Gilles Costaz  • 30 octobre 2008 abonné·es

Rares, aujourd’hui, sont les metteurs en scène qui font autour d’eux un travail de formation auprès des jeunes acteurs et du public et qui, en même temps, échappent à l’académisme d’un style traditionnel. À Tours, Gilles Bouillon reste, pour le public, dans le droit fil du projet du théâtre pour tous selon Vilar et, néanmoins, s’amuse à changer nos regards sur les textes en faisant travailler régulièrement des comédiens de la jeune génération. Ce Jeu de ­l’amour et du hasard qu’on a pu voir au cœur de la ville va voyager et partir à la conquête de nouveaux spectateurs : on en goûtera l’esprit décalé.
Le décor, conçu par Nathalie Holt, est d’un blanc éclatant. Quelques panneaux et quelques chaises à roulettes modifient l’espace ou entrent en situation. Les aristocrates sont en smoking blanc et ­boivent du champagne. Les jeunes, ceux qui se jouent la comédie en se faisant passer pour des valets quand ils sont nobles et inversement, ont des habits décontractés d’aujourd’hui. Pas de pudibonderie ni de mignardise : l’enjeu est grave, ce monde à l’envers doit remettre l’amour à l’endroit.

Avec les dessins rapides des corps dans l’espace, Bouillon montre combien cette comédie du travestissement est une action autant regardée que vécue, sans cesse observée pour sa drôlerie et pour le défi qu’elle pose à l’ordre social. Les interprètes, Claire Théodoly, Florian Hass, Bertrand Fiéret, Hélène Stadnicki, Samuel Bodin et Antoine ­Sastre, disputent vivement ce jeu de mirador (plus que de miroir). Les badi­nages des jeunes sont surveillés par les vieux dans cette inquiétude capitale, bien mise en lumière : pourvu qu’un domestique ne soit jamais aimé d’une aristo et qu’un noble ne ­s’éprenne d’une roturière !

Culture
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