Entre rêve et illusions

Notre périple d’un mois à travers les États-Unis touche à sa fin. À quelques jours du scrutin du 4 novembre, la gauche « progressiste » retient son souffle. Et nous donne son sentiment, sans complaisance, sur Barack Obama. Un dossier à lire dans notre rubrique **Monde** .

Xavier Frison  • 30 octobre 2008 abonné·es
Entre rêve et illusions

Illustration - Entre rêve et illusions

Pour la gauche progressiste américaine, Barack Obama, c’est un peu l’ami dont on se méfie. Beau, brillant, influent, charismatique, mais insaisissable. Capable d’embaucher d’anciens économistes de l’ère Clinton pas vraiment réputés pour leurs idées de gauche, ou de confirmer le droit au port d’arme, tout en promettant la couverture santé universelle en cas d’élection, une vraie révolution que le même Clinton n’avait pas réussi à imposer en son temps.
Dans l’éventail de cette « gauche de la ­gauche » à la sauce yankee, les plus radicaux égrènent l’air du « tous pareils, tous pourris », évoquant, comme Ralph Nader, l’hydre du « parti républicain-démocrate » . Dans ce dossier, l’increvable défenseur de l’Amérique d’en bas, candidat pour la quatrième fois à l’élection présidentielle, revient sur ses thèmes de prédilection et fustige tour à tour la guerre, « nécessité économique » pour les pauvres de ce pays, le contrôle des médias, la collusion entre politique et business et, bien sûr, les affres du bipartisme. Pour Nader et ses partisans, l’âne démocrate et l’éléphant républicain, les animaux symboles des deux camps, boivent à la même source et sont soumis au même fouet des puissances financières qui contrôlent réellement Washington. Peu importe que McCain ou Obama sorte vainqueur des urnes, cela ne changera pas fondamentalement la donne.

Illustration - Entre rêve et illusions


Un meeting de Barack Obama, le 26 octobre, au Civic Center Park, à Denver.
Dunand/AFP

On peut, sur certains points au moins, donner du crédit à cette analyse : il semble ainsi bien peu probable que Barack Obama, s’il est élu, remette en cause le dogme tout-puissant du libéralisme économique aux États-Unis. On doute aussi que celui dont le parti avait fait sponsoriser sa Convention nationale à Denver par le géant des télécommunications AT & T puisse se dégager de l’influence des multinationales. Et si Obama a réussi à lever la somme record de plus de 600 millions de dollars de fonds pour sa campagne, il devra bien, un jour, renvoyer l’ascenseur d’une façon ou d’une autre à ses généreux donateurs privés. En politique, rien n’est jamais gratuit.

D’autres, plus optimistes, croient en l’ex-travailleur social de Chicago, tout en militant activement pour lui faire adopter une ligne politique clairement de gauche. Ce sont les mêmes qui regrettent la candidature « de trop » d’un Ralph Nader dont la pertinence des arguments se serait envolée avec l’avènement d’Obama. Pour Tim Carpenter, cofondateur de l’organisation des Progressive democrats of America (PDA), dont nous vous détaillons les objectifs dans ces pages, le candidat indépendant « peut être une menace pour la victoire ­d’Obama » . Même s’il est descendu dans les sondages de 7 % à 1 % d’intentions de vote depuis l’été.
En attendant le verdict des urnes, le PDA travaille depuis le terrain, au cœur du pays, et jusqu’à l’intérieur même du Parti démocrate à Washington, pour faire glisser le parti de l’âne sur sa gauche. Et l’éloigner du centre, dont il s’était dangereusement rapproché avec la candidature de John Kerry en 2004.

L’investiture du sénateur du Massachusetts avait d’ailleurs décidé Tim Carpenter et quelques autres à créer le PDA, mouvement aujourd’hui galvanisé par l’avènement espéré d’une nouvelle administration qui serait « la plus libérale [au sens anglo-saxon du terme] depuis Kennedy » . Mais, en dépit de sondages toujours plus favorables à Obama à mesure que le jour du scrutin approche, rien n’est joué, et John McCain peut encore rêver à la victoire. En vertu, principalement, du facteur racial, qui sera le « vrai marqueur de l’élection » , comme le pronostique dans notre entretien John Nichols, journaliste au magazine progressiste The Nation . La plus grande inconnue, peut-être même la seule, de ce scrutin « historique ».

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