La femme caméléon

La première rétrospective
d’Émilie Charmy, artiste trempée d’influences et d’affranchissements.

Jean-Claude Renard  • 30 octobre 2008 abonné·es

D’abord un arc-en-ciel de rencontres. L’influence de l’école lyonnaise portée par Jacques Martin, versé dans la nature morte et les motifs floraux. Puis Paris, et l’enveloppe de Berthe Weill accrochant dans sa galerie Picasso, Matisse, Derain. S’y ajoutent les ­palabres avec Mac Orlan, Duby, Van Dongen, Colette, la vie de couple avec les peintres Camoin, puis George Bouche. Sans tomber dans l’épigone, Émilie Charmy (1878-1974) absorbe le travail de ses fréquentations. Évidences dans les paysages, les scènes d’intérieur, évidences dans les portraits et autoportraits.
Sous la houlette de Sylvie Carlier, conservatrice du musée et commissaire de l’exposition, il s’agit ici de la première rétros­pective consacrée à l’artiste, avec une centaine d’œuvres, accompagnée d’un catalogue monographique. Qui pourrait avoir ce titre : Charmy, une bourde de la postérité. Certes, pas un peintre génial, mais cependant essentiel. Avec une peinture inscrite dans le temps. Ou plutôt dans les variations du temps. Avec ses fulgurances, ses ponctuations, ses rythmes inversés, ses rebours.

L’accrochage remarquable, au fil des thématiques, souligne une peinture instinctive, mouvante, cornaquée à l’évolution. Charmy donne l’impression de se chercher toujours. Insaisissable. « Femme caméléon » , selon l’expression de Sylvie Carlier. En témoigne la série des nappes blanches sur guéridon, virant de l’engorgement à l’ellipse, d’une fidélité rigoureuse au tissu à l’évocation par aplats. Certains portraits enfoncent le pinceau dans cette instabilité, du sujet coloré presque naïf aux traits écrasés dans la matière, se faufilant en dehors des clous de la figuration. Flirtant avec l’expressionnisme. Dans la série des nus, l’artiste souffle à coups de pigments le plaisir féminin, où téton, pubis et cambrure éclaboussent leur jouissance. Ils donnent la juste idée d’une femme qui avait fait de la liberté d’expression un mode de vie.

Culture
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