Un cauchemar d’écolo

Les constructeurs ont beau nous assurer de leur nouvelle fibre « verte », le Mondial de l’automobile met surtout en avant des modèles très polluants. Visite affligée…

Claude-Marie Vadrot  • 9 octobre 2008 abonné·es

Appareils photo et portables crépitent, et les caméras de tout calibre n’en ratent pas une : les petits (rares) ou les grands modèles, les rouges, les noires, les grises, les bicolores élégamment siglées, aux lignes toujours ­superbes. Je parle bien sûr des hôtesses du Salon – pardon du Mondial – de l’automobile, dont le modèle de base n’a pas vraiment changé depuis des années, si j’en crois mes confrères habitués des lieux et venus gratuitement en mototaxi. Une seule nouveauté : parmi ces beautés aux sourires mécaniques, veillant comme des vestales sur les voitures, un soupçon de minorité visible, peut-être… Mais léger, et pas sur tous les stands. La bagnole et la blonde font toujours bon ménage.
Donc, pour la première fois de mon existence, j’ai visité le Salon de l’auto. Je préfère définitivement cette appellation, du temps où Joe Dassin chantait, sans qu’on le traite d’écolo attardé, « Dans Paris, à vélo, on dépasse les autos ». Une fois rassasiés des hôtesses, appareils photo et portables mitraillent les voitures. Plus elles sont grosses (les voitures), plus elles sont photographiées. L’effet est quasiment mécanique. Pour les hôtesses, je comprends, mais se faire des bagnoles en soirée diapo, faut aimer. Ou boire, peut-être.

Bon, parlons voitures. Dès l’entrée du salon, la Chambre syndicale internationale de l’automobile distribue une brochure proclamant que « la voiture passe au vert » et expliquant que, depuis cinquante ans, les constructeurs luttent contre la pollution. On s’instruit, au Salon. Pas de chance, juste à côté, le stand Range Rover ( « créateur de rêve » ) propose des 4X4 rejetant tous plus de 370 g/km de CO2.
Les bagnoleurs ont forgé à ce sujet un néologisme passionnant : leurs voitures « particulent ». Le mot « polluer » est tabou et si, le cas échéant, on évoque l’éco-bonus, personne ne doit évoquer l’éco-malus et la pollution. C’est ce qu’explique discrètement à son équipe d’hôtesses et de vendeurs un chef du stand Ford, qui leur recommande d’insister avant tout sur la clim, le MP3 intégré, les accoudoirs réglables, le poste de radio et le miroir de courtoisie éclairant : « Vous faites briller la voiture, ne vous laissez pas entraîner dans les questions de pollution. »
Ils ont raison, ces braves vendeurs, car de toute façon ce n’est pas autour des voitures électriques qu’une foule dense se presse, mais aux stands Ferrari, Aston-Martin, Rolls-Royce, Porsche ou Nissan. Foule et festival de photos garanti. Je croyais naïvement que toutes les Ferrari étaient rouges et suis déçu, car il n’y en a qu’une. En revanche, toutes affichent des rejets en CO2 proches de 490 g/km, record que les Rolls et les Aston-Martin ou les Maserati ­peinent à rattraper. Ces Ferrari sont garanties atteindre 330 km/h. L’affichette ne dit pas où… Sur tous ces stands, une question répétée aux admirateurs et photographes : « Si vous aviez les moyens, vous achèteriez ? Leur pollution ne vous poserait pas de problème ? » Réponse d’André, expert-comptable, la trentaine : « À ce prix-là, on a le droit de polluer. » Une réponse, avec des variantes, à multiplier par une vingtaine. Amis écolos, sortez vos mouchoirs, il y a loin des sondages aux réalités.

À part ça, une profusion de « concept-cars », des voitures de rêve (écolo) qui n’existent pas : électriques ou autres, elles sont promises pour « demain ». Y compris chez Renault, dont les dirigeants ont oublié qu’en 1959, avec sa nouvelle Dauphine, la firme nous promettait la voiture électrique pour « demain ». Promesse souvent renouvelée et qui fait, de toute façon, l’impasse sur la provenance de l’électricité. Quand à la fameuse Logan, vendue pas cher parce que fabriquée par des ouvriers exotiques pas chers non plus, la Régie ne se vante pas que la « voiture des pauvres », comme disait un vendeur en aparté à une copine, rejette 165 g/km de CO2, ce qui en fait une voiture affectée par le malus.
Malgré les promesses, guère de voitures ­« vertes », la fausse nouvelle couleur locale, et j’aurais pu passer la journée sur la piste d’essai des véhicules électriques, où ni les badauds ni les journalistes ne se bousculent. Pourtant; le Mondial a fait un geste en supprimant la piste d’essai des 4X4… qui sont de plus en plus nombreux en vente. Mais, amis écolos, ressortez vos mouchoirs, les amateurs de voitures non polluantes (si elles existent) ne sont pas légion à fouiner dans les 325 marques qui font le trottoir porte de Versailles.

Écologie
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