Redécouvrir Maxime Rodinson

Jeune docteur en sciences politiques, Sébastien Boussois a eu la riche idée de faire revivre cet intellectuel du XXe siècle, humaniste et engagé.

Denis Sieffert  • 27 novembre 2008 abonné·es

Voici un petit livre aux multiples entrées. Son auteur, Sébastien Boussois, a choisi d’évoquer la personnalité de Maxime Rodinson en recueillant les témoignages de ceux qui l’ont bien connu, en relatant sa vie d’intellectuel et de militant, et en publiant quelques inédits de cet insatiable chercheur. Tour à tour, Alain Gresh, Samir Amin, Farouk Mardam-Bey, Mohamed Harbi, pour n’en citer que quelques-uns, disent leur admiration, toujours teintée d’affection, pour le linguiste, l’anthropologue, l’orientaliste – au bon sens du mot –, mais aussi, indissociablement, pour l’homme engagé et le militant.

Car cet homme qui connaissait une quarantaine de langues, et dont Pierre Vidal-Naquet disait qu’il était « le plus grand érudit » qu’il eût jamais rencontré, était aussi l’héritier d’une famille de communistes. Il en a conservé toute sa vie une fibre populaire qui le tenait à bonne distance des académies et des mandarinats auxquels son savoir encyclopédique aurait pu le destiner. Mais, pour beaucoup d’entre nous, Maxime Rodinson n’est pas seulement resté comme l’auteur d’un Mahomet indépassable, il est l’homme qui a osé dire et écrire, dans un numéro fameux des Temps modernes, en mai 1967, à la veille de la guerre des Six-Jours, qu’Israël était un fait colonial. Au cœur de la pire période de propagande pro-israélienne, cela a valu à cet intellectuel juif haines et ressentiments tenaces.

Pourtant, Rodinson était bien au-dessus de tout esprit de provocation. Ses mots, savamment pesés, étaient ceux d’un humaniste qui savait braver les rapports de force et rester étranger aux pressions de son époque. C’est cette force de conviction, appuyée sur le travail et le savoir, qui font toujours de lui, au-delà de la mort, une référence morale.

Idées
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