« Nous faisons face à des demandes contradictoires »

Selon un syndicaliste policier, l’opinion manifeste des exigences de sécurité mais ne veut pas assumer les conséquences des interventions.

Claude-Marie Vadrot  • 11 décembre 2008 abonné·es

Que pensent les policiers du malaise qui grandit entre les citoyens et eux ? Comme on peut l’imaginer, ils ne sont guère bavards sur le sujet, et lorsqu’ils acceptent de s’exprimer, ils le font sous couvert du syndicat qu’ils représentent. Quant aux gendarmes, ils sont muets par définition… Écoutons donc les syndicalistes de la police.
Pour Synergie-Officiers (CGC), Chris­tophe Gesset estime que « la plupart des gens sont coincés entre le désir de sécurité et les conséquences des opérations visant à maintenir cette sécurité. Le divorce est dans les exigences contradictoires de la population. Quand je discute avec, comme on dit, des “vrais gens”, quand on sort des salons parisiens, je m’aperçois que nous ne sommes pas souvent mis en cause. Quand nous enquêtons dans des milieux défavorisés, nous voyons bien que l’accueil est bon, que les gens jouent le jeu. C’est vrai que le malentendu est insoluble, mais pas aussi grave qu’on pourrait le penser. N’oublions pas que nous vivons une judiciarisation de la société, et qu’elle nous demande d’intervenir pour tout et n’importe quoi. Un exemple : pour une histoire de photos prises au mariage de Patrick Bruel par des invités et publiées ensuite, on a mobilisé la brigade économique et financière. Le jugement sera rendu en janvier, mais le procureur a demandé la relaxe. Logique, la police n’avait rien à faire dans cette histoire, pas plus que dans le social. »
Sur la question de la police de proximité, qui permettait, selon ses initiateurs, ­d’améliorer à la fois la sécurité et les relations avec le public, Christophe Gesset est catégorique : « Ce n’était pas une bonne solution. Il n’y avait plus que la proximité et pas de police. N’oubliez pas que dans les quartiers désertés par tous les services publics, nous restons les seuls représentants de l’État, il n’y a plus que les flics ! Ce qui ne contribue pas à notre popularité. »
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La position de Didier Fuziès, responsable de la CFDT-Police, est différente. Même s’il voit dans les mauvaises relations – il admet le mot – entre citoyens et policiers une attitude *« bien française »
, qui consiste à vouloir une police implacable… pour les autres. « Tout le monde s’est engouffré dans l’affaire Vittorio de Filippis, mais il faut penser au citoyen lambda dont on ne parle jamais. Je ne vais pas prétendre que les dérapages n’existent pas, mais n’oubliez pas la pression de la hiérarchie et des politiques. » Pour Didier Fuziès, il ne faut pas non plus négliger, « dans une situation ressentie comme liberticide » , l’influence du marasme, d’une situation économique dont les policiers sont également victimes comme citoyens.
À propos de l’augmentation des délits pour outrage, le représentant de la CFDT est clair : *« Il y a vingt ans, à l’école de police, on nous expliquait que c’était le délit à éviter. Les temps ont d’autant plus changé que les instructions ne sont plus les mêmes et que les gens, à tort ou à raison, minés par la crise, sont de plus en plus agressifs. »
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Société
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