Avec l’aide de Spinoza

Olivier Doubre  • 15 janvier 2009 abonné·es

Deux ouvrages récents donnent l’occasion, en ces temps de crise et de morosité ambiante, de découvrir de nouvelles approches du philosophe de Leyden et de voir combien les débats autour de sa pensée restent vifs de nos jours. Trois philosophes, Chantal Jaquet, Pascal Sévérac et Ariel Suhamy, ont ainsi rassemblé, pour la Multitude libre , quelques-uns des meilleurs spécialistes (Laurent Bove, Pierre-François Moreau, Charles Ramond, André Martins, outre des textes posthumes d’Alexandre Matheron et de François Zourabichvili…) pour observer, discuter et expliquer les raisons qui placent le Traité politique (TP), texte resté longtemps à l’arrière-plan par rapport à l’Éthique ou d’autres œuvres, aujourd’hui « au cœur des études spinozistes ». Dernier écrit du philosophe, il fait apparaître le concept de « multitude », très utilisé de nos jours en philosophie politique, et l’attention nouvelle dont il est l’objet peut s’expliquer par cette originalité politique de Spinoza qui appréhende l’homme avec une « puissance d’agir dynamique » , sans « utopie dévastatrice » ni « résignation fataliste » . Ce livre offre ainsi un panorama de quelques-unes des lectures récentes de cette œuvre tardive, dans une langue plutôt accessible. Une belle réussite.
L’écriture de Pierre Zaoui est sans doute aussi ce qui surprendra avec plaisir le lecteur de son Spinoza, qui se veut non un traité théorique mais un « roman philosophique de la décision de soi » . Spinoza est certainement le philosophe qui a le plus voulu penser les façons de « mieux vivre » . Aussi Pierre Zaoui veut-il, en le convoquant, tenter de répondre à « des questions ordinaires de gens ordinaires qui vivent comme ils peuvent tout en sentant que ce n’est pas là vraiment une vie ». Le concept spinoziste de « vie philosophique » , explicitée tout au long du livre, vient ainsi pousser le « pauvre soi du lecteur », entendu comme le « seul héros » de ce roman « de formation » un peu particulier, à décider à se soumettre à la raison tout en l’exhortant en même temps à la joie. Dans une langue joviale, Pierre Zaoui construit une véritable invite à oser la vie avec « fermeté et radicalité » . Un ouvrage étonnant et détonnant.

Idées
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Sophie Béroud : « 1995 est le dernier mouvement social avec manifestations massives et grèves reconductibles »
Entretien 5 novembre 2025 abonné·es

Sophie Béroud : « 1995 est le dernier mouvement social avec manifestations massives et grèves reconductibles »

Des millions de personnes dans les rues, un pays bloqué pendant plusieurs semaines, par des grèves massives et reconductibles : 1995 a été historique par plusieurs aspects. Trente ans après, la politiste et spécialiste du syndicalisme retrace ce qui a permis cette mobilisation et ses conséquences.
Par Pierre Jequier-Zalc
1995 : le renouveau intellectuel d’une gauche critique
Analyse 5 novembre 2025 abonné·es

1995 : le renouveau intellectuel d’une gauche critique

Le mouvement de 1995 annonce un retour de l’engagement contre la violence néolibérale, renouant avec le mouvement populaire et élaborant de nouvelles problématiques, de l’écologie à la précarité, du travail aux nouvelles formes de solidarité.
Par Olivier Doubre
Qui a peur du grand méchant woke ?
Idées 29 octobre 2025 abonné·es

Qui a peur du grand méchant woke ?

Si la droite et l’extrême droite ont toujours été proches, le phénomène nouveau des dernières années est moins la normalisation de l’extrême droite que la diabolisation de la gauche, qui se nourrit d’une crise des institutions.
Par Benjamin Tainturier
Roger Martelli : « La gauche doit renouer avec la hardiesse de l’espérance »
Entretien 29 octobre 2025 libéré

Roger Martelli : « La gauche doit renouer avec la hardiesse de l’espérance »

Spécialiste du mouvement ouvrier français et du communisme, l’historien est un fin connaisseur des divisions qui lacèrent les gauches françaises. Il s’émeut du rejet ostracisant qui les frappe aujourd’hui, notamment leur aile la plus radicale, et propose des voies alternatives pour reprendre l’initiative et retrouver l’espoir. Et contrer l’extrême droite.
Par Olivier Doubre