Barcelone ne répond plus

En Espagne, les salariés français d’un sous-traitant de l’opérateur de téléphonie Télé2 ont été licenciés pendant les fêtes de fin d’année. La confusion entretenue autour de leur statut les a empêchés de se défendre.

Pauline Baron  • 15 janvier 2009 abonné·es
Barcelone ne répond plus
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arcelone, ses ramblas, ses plages, ses bars… Et ses travailleurs français exilés, licenciés du jour au lendemain. À la suite de la fusion des deux opérateurs français de téléphonie Télé2 et SFR, Transcom, sous-traitant de Télé2, a fermé son centre d’appel de la capitale catalane, mettant au chômage les 80 salariés du site, tous français. Ceux-ci ont pris leurs derniers appels le 2 janvier, deux semaines seulement après l’annonce de la cessation d’activité. En plein cœur des vacances de fin d’année, ces travailleurs immigrés d’un genre nouveau n’ont trouvé personne pour défendre leurs droits. Leur statut, largement méconnu, mêle sous-traitance, éloignement géographique, barrière de la langue, salaire et couverture sociale minimums. Un brouillage des pistes adopté par de nombreuses grandes entreprises françaises qui jouent de la délocalisation des salariés pour minimiser les coûts de leurs « services clients » et dégraisser loin des regards indiscrets.

Illustration - Barcelone ne répond plus

Comme Transcom, dous-traitant de Télé2, de nombreuses entreprises dégraissent loin des regards indiscrets. PIERMONT/AFP

Le licenciement expéditif de ces Français employés en Espagne n’a pas suscité de mobilisation particulière dans ce pays. Soumis à un contrat de travail local qui permet le licenciement d’un salarié après quinze jours de préavis, les employés de Transcom ne se sont pas fait d’illusion sur la suite des événements. « Ce n’était pas le travail de nos vies et nous savions que tout était joué d’avance, à cause des modalités de notre contrat de travail. Tout le monde a préféré chercher un autre boulot plutôt que d’émettre des revendications » , précise Anne, salariée de Transcom depuis trois mois. La fusion SFR-Télé2 et un droit du travail espagnol très libéral ont laissé peu de chances aux salariés pour contester la fermeture de leur centre. Virés en pleines vacances, nombreux sont ceux qui sont partis les poches vides. Comme le stipule la législation espagnole, une seule journée de travail par mois a été prise en compte pour calculer l’indemnité de départ de ces travailleurs précaires. Soit à peine 35 euros pour les salariés embauchés depuis peu, comme Anne. Aucun d’entre eux n’appartenait à un syndicat. Quant au ­dialogue avec la direction, il était quasi inexistant. Deux mois avant la fermeture du centre d’appel, une lettre collective des salariés qui réclamaient plus de sécurité et d’informations sur l’avenir de leurs emplois a été adressée à la direction barcelonaise de Transcom. Aucune réponse. Au siège de Transcom France, les demandes d’entretien répétées de Politis avec le directeur n’ont pas eu plus de succès.

Face à des droits aussi minces, Gabriel, employé depuis le mois d’octobre 2008, a tenté d’amorcer une mobilisation : « J’ai contacté quelques syndicats espagnols, mais beaucoup n’étaient pas prêts à nous aider. Les ­autres ne m’ont proposé que des mesures superflues comme un temps de pause de dix minutes pour reposer les yeux des salariés » . Se jugeant incompétents pour défendre les droits de travailleurs immigrés français, ces syndicats n’ont émis aucune proposition concrète sur la protection de leurs emplois. Pourtant, d’après les syndicats français, leurs collègues ibères sont les mieux placés pour défendre ces salariés embauchés sur le territoire espagnol. « Étant sous contrat de travail espagnol, tous les employés de Transcom étaient soumis au même droit que les travailleurs locaux », confirme Gabriel.

Sans moyens d’action pertinents ni connaissance du droit espagnol, mal informés, les syndicats français ont peu d’influence sur de telles situations. « Nous pouvons apporter à ces travailleurs immigrés un soutien financier dans leur lutte, faire une pétition, voire contacter les syndicats du pays pour qu’ils leur apportent leur soutien » , indique SUD-PTT. La CFDT précise que sa fédération internationale, qui coordonne les activités de tous ses syndicats européens, aurait eu la possibilité d’intervenir par le biais du syndicat espagnol. Mais aucun syndicat hexagonal n’avait été informé du prochain licenciement de ces travailleurs français. Et pour cause : le comité d’entreprise européen de Transcom n’a été ni averti ni consulté, comme l’exige pourtant la loi. La CGT, syndicat représenté chez Transcom France, n’a été prévenue que la veille de la fermeture de ce centre d’appel. « Il nous a été précisé que les activités du centre de Barcelone seraient rebasculées vers les sites français de Transcom. Mais nous n’avons noté aucune hausse de l’activité en France » , dénonce Sandra Blaise, dirigeante syndicale CGT auprès de Transcom. Selon la Confédération, la majeure partie de l’activité espagnole aurait été transférée auprès du centre d’appel de Tunis, où la législation du travail se révèle moins contraignante qu’en Europe et où les salaires sont plus faibles. La CGT envisage donc de joindre au mot d’ordre de la manifestation nationale pour la défense de l’emploi du 29 janvier des revendications en faveur de ces travailleurs exilés. Cette fois, le haut-parleur sera branché.

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