Haro sur l’ennemi intérieur

Désigner des « ennemis intérieurs » permet de circonscrire une population « potentiellement nuisible ». Les musulmans sont vus comme des islamistes, les pauvres comme des délinquants supposés. Les insoumis et les révolutionnaires sont considérés comme des terroristes en puissance. Un dossier à lire dans notre rubrique **Société** .

Sébastien Fontenelle  • 29 janvier 2009 abonné·es
Haro sur l’ennemi intérieur

Tarnac, nid de terroristes? L’hypothèse, grotesque
(il ne s’agit somme toute, et dans le pire des cas, que d’une affaire de dégradation de biens publics), ne repose sur aucune preuve tangible. Mais elle a ceci de commode qu’elle divertit la plèbe de ses fins de mois difficiles. Le votant, versatile, pourrait en effet s’agacer du massicotage de ses libertés ou de l’effondrement de son niveau de vie. Se venger, ne serait-ce que par un vote sanction, de trop d’arrogances gouvernementales. Fort heureusement, il y a, pour la détourner de ses dangereuses ruminations, l’ennemi intérieur. Un monstre imaginaire, mais familier, comme il s’en trouve dans les histoires qu’on raconte aux enfants – à ceci près, naturellement, que celui-ci a plutôt pour fonction d’effaroucher le grand public. Son appellation peut varier, au fil du temps, mais sa fonction reste inchangée : elle est, toujours, selon le mot de l’éditeur Éric Hazan, « d’éliminer par la force les cellules rebelles de l’ordre social ».

Illustration - Haro sur l'ennemi intérieur

Tarnac, 11 novembre 2008. Au menu ce jour-là : « repas ouvrier » et interpellations musclées.
Zoccolan/AFP

Un épouvantail ancien mais plus que jamais d’actualité : le sarkozysme en fait un usage d’autant plus intensif que la réalité de son règne, surtout par temps de crise, n’en finit plus de ternir l’éclat de ses promesses de campagne. Le candidat devait être « le Président du pouvoir d’achat » : le Président répond que « les caisses sont vides » . Audacieux. D’où la désignation de boucs émissaires : l’« ultragauche », d’abord, puis, désormais, l’« extrême » (en attendant la gauche, tout court). Le jeune Arabo-musulman des « quartiers difficiles », puis le syndicaliste ferroviaire. L’objectif est bien de criminaliser toute forme de contestation, de «donner à voir, dit Hamé, chanteur du groupe de rap La Rumeur, ce qu’un cerveau disponible doit retenir» . Quand 69 % des Français se disent favorables aux manifestations et aux grèves du 29 janvier, l’ennemi intérieur reste, comme le souligne le chercheur en sciences sociales Mathieu Rigouste, *« ce personnage mythologique dont le sacrifice public doit permettre de dissuader les révoltés potentiels ».
*

Société Police / Justice
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« Plan social déguisé » : 20 salariés d’un sous-traitant d’Amazon contestent leur licenciement
Luttes sociales 15 octobre 2025 abonné·es

« Plan social déguisé » : 20 salariés d’un sous-traitant d’Amazon contestent leur licenciement

Licenciés pour faute il y a un an, ils ont décidé d’attaquer cette décision auprès des prud’hommes de Marseille, ce mercredi. En cause : le refus d’être mutés à plus de 130 kilomètres de leur lieu travail suite à la perte d’un contrat avec Amazon.
Par Pierre Jequier-Zalc
À Paris, la Confédération paysanne en première ligne contre le Mercosur
Reportage 15 octobre 2025 abonné·es

À Paris, la Confédération paysanne en première ligne contre le Mercosur

Plusieurs centaines de personnes ont manifesté le 14 octobre contre le traité de libre-échange UE-Mercosur, à Paris, à l’appel du syndicat. Un texte qui exercerait une concurrence déloyale pour les agriculteurs français et menacerait la santé et le climat.
Par Vanina Delmas
Dans les CRA, une justice en visio rendue loin des regards
Reportage 15 octobre 2025 abonné·es

Dans les CRA, une justice en visio rendue loin des regards

Depuis le covid et la loi asile et immigration promulguée en janvier 2024, la justice en visioconférence se développe dans des annexes de tribunaux au sein des centres de rétention. Ces audiences cruciales pour la liberté des personnes menacées d’expulsion ont lieu sans public et au mépris des droits de la défense.
Par Pauline Migevant
En Essonne, des vies suspendues au rendez-vous de la préfecture
Reportage 15 octobre 2025

En Essonne, des vies suspendues au rendez-vous de la préfecture

En Essonne, depuis 2022, la préfecture ne donne plus de premier rendez-vous pour les demandes d’admission exceptionnelle au séjour. Pour les étrangers concernés, saisir le le tribunal ne semble d’aucun recours.
Par Pauline Migevant