Schneidermann n’arrête pas !

L’émission « Arrêt sur images » poursuit sa route sur Internet, avec beaucoup d’ambitions.

Jean-Claude Renard  • 29 janvier 2009
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Ce n’est pas si lointain. En juin 2007, le magazine « Arrêt sur images », communément appelé ASI, de Daniel Schneidermann était supprimé des programmes de France 5 après douze années d’antenne. Philippe Vilamitjana, directeur de la chaîne, justifiait cette décision en suggérant que l’émission avait vieilli. Elle réalisait tout de même une audience honorable de 7 % en moyenne, sans compter les visionnages sur Internet.

Illustration - Schneidermann n’arrête pas !

Daniel Schneidermann continue de décrypter l’information. Guez/AFP

Sans doute Daniel Schneidermann payait-il là son trop bon sens professionnel. L’émission avait successivement évoqué la communication de Sarkozy, les risques encourus par le président de la République sur l’acquisition et les aménagements de son appartement (abus de bien social notamment), l’information censurée au JDD à l’occasion du non-vote de Cécilia, les images (absentes sur les autres chaînes) de la conférence de presse de Sarkozy au G8. Ça faisait beaucoup. Et, à vrai dire, on pouvait se demander comment l’émission avait pu durer aussi longtemps. En tout cas, France 5 supprimait sa plus ancienne émission, constitutive de son identité, la seule à offrir un regard critique sur les médias, une réflexion sur le traitement de l’information. Elle renonçait ainsi à un volet de son cahier des charges, comprenant un magazine de décryptage des médias. En lieu et place, un nouveau mag, « Revu et corrigé », présenté par Paul Amar, simple commentaire de l’actualité. Du réchauffé déjà diffusé sur d’autres chaînes.

Encouragé par des milliers de téléspectateurs, poussé par une mobilisation importante, « Arrêt sur images » a d’abord cherché un autre espace de liberté, une autre terre d’accueil. À la télévision ou sur Internet. La nouvelle technologie l’a emporté. En janvier 2008, ASI trouvait une résurrection sur la toile, avec un accès payant [^2]. Tandis que les journaux en ligne, Bakchich, Rue 89 ou Médiapart, n’ont toujours pas trouvé leur modèle économique, demeurent fragiles, avec ou sans publicité, c’était là un pari risqué. Sur arretsurimages.net se côtoient alors différentes rubriques : des émissions, des dossiers, des chroniques, un forum ouvert aux abonnés et un volet « vite dit et gratuit », des mises à jour sur des sujets traités plusieurs mois auparavant, des articles rebondissant sur l’actualité (Obama, Julien Dray ou le journal de France 2, récemment).
L’émission, d’une heure environ, est tournée et enregistrée le vendredi, visible le lendemain. On y retrouve la même pertinence déployée sur le petit écran pendant une dizaine d’années, la même façon de décortiquer le traitement de l’information. Aujourd’hui installée à Vanves, l’équipe comprend moins de dix personnes. Une poignée de journalistes, un documentaliste, une personne appliquée au développement de projets, un réalisateur et un webmaster (s’y ajoutent les chroniqueurs comme David Abiker, Sébastien Bohler ou Judith Bernard).

Après une année d’exercice, ASI ne manque pas de saines ambitions, bâties sur des chiffres prometteurs. « Dans la configuration actuelle, observe Daniel Schneidermann, le seuil de rentabilité est de 30 000 abonnés. Nous en comptons 26 000. Le rythme de croissance est maintenant d’un millier d’abonnements par mois. Ce qui permet d’envisager un équilibre financier courant 2009. » Le pari risqué devient donc tenu.

La volonté d’ASI est surtout de se rendre accessible au plus grand nombre. On en revient donc à la télévision. C’est précisément dans ce cadre que l’émission est hébergée depuis quelques semaines par Free. Visible donc par tous ceux qui possèdent une freebox, sur le canal 94 (à partir de 21 h 30). L’objectif à venir est d’exporter l’émission via livebox et neufbox. D’autre part, il y aura bientôt une offre particulière pour les collectivités, pour les centres de documentation et d’information (CDI), pour les bibliothèques. Également en projet, la possibilité d’accéder à ASI sur l’Iphone, et la création d’autres émissions, « toujours dans le domaine du décryptage et proche des médias », précise Daniel Schneidermann. Si la liberté d’expression voit ses espaces se réduire au fil des années, il reste assurément des cases bien remplies.

[^2]: 30 euros pour un an, 20 euros pour six mois, 12 euros pour les étudiants et les chômeurs.

Arrêt sur images : arretsurimages.net et arretsurimages.tv sur le canal 94 de Free.
Médias
Temps de lecture : 4 minutes
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