Le mot ment

Sur les secrets du langage, une brillante pièce de Martin Crimp.

Gilles Costaz  • 5 février 2009 abonné·es

Des individus se parlent, et l’on sent vite qu’ils ne se comprennent pas. Que, plus ils dialoguent, plus ils s’attachent à maintenir l’illusion de la compréhension mutuelle. Tel est le point de départ de la Ville , de l’Anglais Martin Crimp, qui, après Eugène Ionesco, Nathalie Sarraute et Harold Pinter, explore au théâtre le mensonge de la parole, le parcours des mots contant autre chose que leur mot à mot.

Dans le couple bourgeois qui apparaît d’abord, la femme est traductrice et l’homme paraît avoir travaillé dans une grande entreprise, avant de se retrouver boucher un peu plus tard. L’infirmière qui va arriver est plus dans des fantasmes de guerre secrète que dans sa propre activité. Et l’enfant qui vient jouer du piano (très mal) s’habille en infirmière pour participer à une suite d’événements incohérents qui tracent peu à peu la triste cohérence d’une société où l’être humain est toujours aux portes de la solitude, de l’impossibilité de l’amour et de la violence.

C’est diaboliquement intelligent et désenchanté. Marc Paquien, un jeune metteur en scène qui s’affirme là plus que jamais, mène ces sinuosités troublantes avec un remarquable sens du concret et de l’abstrait. Marianne Denicourt, André Marcon, Hélène Alexandridis et Janaïna Suaudeau jouent sur des tons variés et complémentaires l’aplomb tragicomique de ceux qui ne veulent pas voir le précipice qui s’ouvre sous leurs yeux. Tout à fait fascinant.

Culture
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