De moins en moins de Russes

Une forte baisse démographique, due à la chute de l’espérance de vie et de la natalité,
mais aussi à des conditions de vie dégradées, inquiète les autorités.

Claude-Marie Vadrot  • 12 mars 2009 abonné·es

Au dernier recensement (2002), la Russie comptait 145 millions d’habitants, et l’estimation officielle pour 2008 est de 142 millions. C’est le seul pays industrialisé à enregistrer une baisse régulière de ses habitants. Depuis 1991, année de la disparition de l’URSS, elle a perdu au moins 7 millions de citoyens. Et ce malgré le retour de douze millions de Russes des ex-Républiques soviétiques. Ce retour pratiquement terminé, le pays perd encore environ 850 000 personnes par an. Situation inquiétante qui incite, depuis deux ans, de nombreux gouverneurs de province, sur instruction du Kremlin, à organiser chaque mois de septembre une « journée de la repopulation », au cours de laquelle un congé et des cérémonies officielles sont censés donner aux jeunes couples l’envie de fonder une famille. Cette incitation à la procréation, orchestrée par des mariages collectifs dignes d’une mise en scène soviétique, n’a pas fait frémir la courbe des naissances ; ces unions se traduisent parfois par des beuveries collectives, comme celles qui se sont déroulées l’année dernière à Samara, sur les bords de la Volga.

Selon les projections calculées par l’OCDE ou les Nations unies, la poursuite de cette décroissance démographique pourrait amener le pays à ne plus compter qu’une centaine de millions d’habitants en 2050. Les prévisions les plus optimistes prévoient pour cette date une population de 130 millions. Cette chute constitue la plus grande préoccupation de Vladimir Poutine et explique la politique russe visant à reconquérir ses anciennes républiques, celles qui, malgré le racisme régnant à Moscou et dans les provinces, lui fournissent l’essentiel de sa main-d’œuvre.

La baisse de la population s’explique, notamment, par le nombre des décès, qui l’emporte largement sur celui des naissances depuis une quinzaine d’années. Ce que les démographes qualifient joliment d’« accroissement naturel négatif ». Illustration : depuis le début des années 1990, l’espérance de vie moyenne des hommes est passée de 65 à 58 ans (77 pour les Français) et celui des femmes de 74 à 72 ans (84 pour les Françaises). Et encore ne s’agit-il là que de chiffres officiels, car tout ce qui touche à la démographie est quasiment classé « secret d’État ».

Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette diminution de l’espérance de vie. Tout d’abord, en dehors de quelques luxueuses cliniques privées, le réseau sanitaire se dégrade régulièrement. Un Russe hospitalisé doit avoir assez d’argent pour fournir les médicaments nécessaires à ses soins. Et dans les hôpitaux publics ordinaires, plus encore en province que dans la capitale, des conditions d’hygiène et d’asepsie déplorables entraînent des affections nosocomiales qui contribuent à l’augmentation du nombre des décès. Autre chiffre officiel révélateur : un Russe consacre en moyenne 380 euros par an à sa santé, contre 2 200 pour un Français.
De plus, la consommation d’alcool et de vodka frelatée s’est largement amplifiée. En 2006, chiffre officiel, 41 000 personnes sont décédées en quelques jours après consommation de boissons douteuses. Qui peuvent tuer en quelques heures ou rendre aveugles. À ce désastre, s’ajoutent les suicides en augmentation régulière, les accidents du travail ou de la route. Sans compter les effets d’une criminalité qui ne concerne pas seulement le monde de la presse et celui des affaires.

Sont également mis en cause les progrès de la drogue et du sida – 1 500 000 porteurs du virus –, et une mauvaise alimentation liée à la pauvreté d’une portion grandissante de la population.
Les décès ne sont pas compensés par les naissances : le taux de fécondité oscille autour de 1,5 enfant par femme, et le nombre des avortements – 1,8 million en 2007 – reste supérieur à celui des naissances. Depuis la fin de l’année 2000, une légère remontée du nombre des naissances est enregistrée, mais seulement dans les républiques non russes (22 % de la population) de la Fédération, dans le Caucase et parmi les entités musulmanes de l’Oural comme le Tatarstan ou la Bachkirie.

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