Aux confins de deux empires

Le Parti communiste moldave, au pouvoir depuis 2001, vient d’être largement reconduit lors d’élections législatives. Un résultat incontestable mais qui énerve une partie de la jeunesse pro-américaine.

Claude-Marie Vadrot  • 16 avril 2009 abonné·es

La Moldavie, avec l’Ukraine, la Biélorussie, la Roumanie et, dans une moindre mesure, la Géorgie, fait partie des pays que la séparation physique ou politique d’avec le grand frère soviétique a durablement déstabilisés ou appauvris. Surtout quand des pays occidentaux et les États-Unis ont considéré comme une « anomalie » que des responsables socialistes ou, pire, (crypto)communistes se maintiennent ou reviennent au pouvoir par des voies démocratiques. Même lorsqu’il s’agit de « communistes » curieusement convertis au libéralisme. C’est le cas de la Moldavie, où le Parti communiste moldave, au pouvoir depuis 2001, a remporté il y a quelques jours ce qu’il est convenu d’appeler une « victoire électorale écrasante » dans des législatives dont les observateurs internationaux expliquent qu’elles se sont déroulées dans des conditions normales, laissant l’opposition avec 35 % des voix. Les vainqueurs ont promis d’augmenter les salaires et les retraites d’au moins 20 % avant l’été prochain, alors que le produit intérieur brut repose pour près de 40 % sur l’argent des Moldaves travaillant légalement ou illégalement à l’étranger. Les travailleurs sont depuis des années, par centaines de milliers, les meilleurs et les moins chers des produits d’exportation du pays. Dans deux mois au plus, un nouveau Président devra être élu par le Parlement. L’actuel, Vladimir Voronine, ne pouvant pas se représenter.

Mais, à l’exemple de Vladimir Poutine, il a laissé entendre qu’il accepterait de devenir Premier ministre. Ce qui séduit la partie la plus rurale et la plus âgée de la population. Mais énerve une partie de la jeunesse et des intellectuels de la capitale. Ceux qui, lundi et mardi, ont envahi et mis à sac le Parlement et des bâtiments de la présidence.

Les manifestants ont contesté les résultats des élections en avançant qu’elles avaient été truquées. L’argument a déjà servi en Géorgie et en Biélorussie. Dans ce dernier pays, de toute évidence sous la coupe d’un dictateur, les constatations sur place au cours de cette consultation incitent à croire que, eussent-elles été libres, les élections auraient donné la victoire à Alexandre Loukachenko. Comme en Russie un scrutin honnête confirmerait la domination du tsar Vladimir Poutine. Et nul ne saura jamais quel aurait été le résultat des élections ukrainiennes si la révolution Orange n’avait pas interrompu le processus légal. Dans ces Républiques, deux pays réels s’opposent en permanence, et il est de plus en plus patent que des forces extérieures ont choisi, à chaque fois, d’appuyer ceux qui remettent en cause les mécanismes électoraux qui dérangent.
Comme en Ukraine, les émeutiers ont été conseillés, voire appuyés, par des associations et des fondations étrangères, parfois américaines, très présentes dans le pays. Tant il est évident que ces pays des confins de deux empires sont les jouets de la rivalité entre la puissance russe et la puissance américaine. Cette dernière n’est pas plus innocente dans la révolution des Œillets en Géorgie que les Russes ne le sont dans la mobilisation des manifestants qui demandent depuis quelques jours le départ du président Mikhaïl Saakachvili. Étant évident, ce qui complique l’analyse, que dans tous les mouvements télécommandés, défilent et agissent des milliers de Géorgiens, d’Ukrainiens ou de Moldaves sincères et de bonne foi.

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