Elles voient des terroristes partout

L’arrestation surmédiatisée des «neuf de Tarnac» a été précédée d’une véritable mise en condition de la population.

Sébastien Fontenelle  • 16 avril 2009 abonné·es

Dès le mois de juin 2007, au lendemain de l’élection de Nicolas Sarkozy, les autorités commencent, comme le soulignera Éric Hazan, à « répandre l’idée d’un partage séparant la population, incarnée par son gouvernement, de quelques individus dangereux qu’il faut neutraliser dans l’intérêt de tous » : l’ « extrême gauche radicale » , et plus spécifiquement une très fantasmagorique « mouvance anarcho-autonome » . En février 2008, Michèle Alliot-Marie confirme « un retour, limité mais incontestable, du terrorisme d’extrême gauche » . L’horreur. En juin, Rachida Dati, garde des Sceaux, adresse à tous les procureurs et procureurs généraux de France et de Navarre une circulaire attirant l’attention de ces hauts magistrats sur la « multiplication d’actions violentes commises sur différents points du territoire national susceptibles d’être attribuées à la mouvance anarcho-autonome » , et les exhortant à porter « une attention particulière » aux « faits en lien avec » cette (inquiétante) nébuleuse, pour « en informer dans les plus brefs délais la section antiterroriste du parquet de Paris » . Le Syndicat de la magistrature persifle : le ministère de la Justice « voit des terroristes partout ». Le 11 novembre, la police investit Tarnac. Cette descente à grand spectacle fait la joie des journalistes, dûment prévenus de l’imminence d’un assaut, qui ont fait le déplacement : le nouveau péril rouge a enfin neuf visages. Six mois plus tard, il ne reste rien, ou presque, de ce bel enthousiasme : la presse, ingrate, observe que toute l’affaire sent assez fort la pied-nickelade, et un avocat, William Bourdon, juge même qu’elle a pour « seul objectif de désigner ces jeunes gens comme des ennemis de l’intérieur menaçant la démocratie » . Quand bien même : la légitimation a posteriori des crânes déclamations de deux ministres d’envergure ne valait-elle pas ce minuscule dérangement ?

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Gaza, trois mois après
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