Une folle semaine

Le démantèlement des services publics et les déréglementations se poursuivent.

Michel Soudais  • 30 avril 2009 abonné·es

À six semaines des élections européennes, le Parlement européen continue de démanteler les services publics, de déréglementer des secteurs économiques et d’en offrir de nouveaux à l’appétit du marché. Si les eurodéputés ont décidé, la semaine dernière, lors de l’avant-dernière session de la mandature, de limiter le prix des SMS au sein de l’UE, ils ont aussi pris des décisions moins populaires, que les grands médias préfèrent taire.

Le Parlement européen a ainsi parachevé la libéralisation du marché européen de l’énergie en adoptant le « 3e paquet énergie » constitué de deux directives et trois règlements qui devront être transposés d’ici un an dans tous les pays membres. Cet ensemble vise à durcir encore l’application des règles de la sacro-sainte concurrence avec deux éléments clés : la fin programmée des derniers tarifs réglementés fixés par les gouvernements pour protéger les consommateurs, et la « séparation patrimoniale » qui fait obligation aux sociétés historiques de service public de se séparer des réseaux de distribution qu’elles ont bâtis, ou d’en assurer une stricte indépendance, par filialisation ou location. Cette disposition, qui démantèle EDF, a été votée par la quasi-totalité des députés européens du PSE, Français compris. Il est vrai, le rapporteur de la directive sur l’électricité était une travailliste britannique.

Jeudi, les eurodéputés assouplissaient le droit du travail des chauffeurs d’autocars : à compter de janvier 2010, ils pourront travailler douze jours d’affilée lors de voyages à l’international, contre 6 jours aujourd’hui. Dans la foulée, le Parlement décidait d’autoriser les poids lourds qui effectuent une livraison internationale à effectuer trois opérations de transports supplémentaires entre des villes européennes en sept jours avant de rentrer. Ce « cabotage », qui fait craindre la généralisation du dumping social dans un secteur déjà sinistré – 581 entreprises de transport ont déposé le bilan au premier trimestre –, a reçu l’aval du groupe PSE. Un camion en provenance d’un pays à très bas salaires pour livrer sa marchandise au Havre pourra donc à loisir prendre un nouveau chargement pour Grenoble, de là un autre pour Rungis, puis Montpellier, et concurrencer ainsi des transporteurs nationaux aux salaires plus élevés. Le même jour, les députés examinaient une directive sur les « droits des patients en matière de soins transfrontaliers » . Si l’idée de faciliter les soins de santé à l’étranger, notamment grâce à un remboursement adéquat, est séduisante, le groupe GUE/NGL demandait toutefois que cette directive se base sur l’article 152 du traité instituant la Communauté européenne, relatif aux coopérations en matière de santé, et non sur l’article 95, qui n’organise « l’harmonisation du marché intérieur » que sous l’angle des intérêts économiques.

« La notion de marché unique de la santé est aux antipodes d’une conception de service public » , détaillait Francis Wurtz, pour qui il s’agit du « retour subreptice de l’esprit de la directive Bolkestein dans un secteur qui avait été retiré du champ d’application de ladite directive à la suite des mobilisations sociales et du vote du Parlement » . En s’abstenant sur la demande du groupe de gauche, le groupe PSE a néanmoins permis ce retour. Et indirectement approuvé le fait que les intérêts économiques sont plus importants que les intérêts des patients.

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