Délit de création

Le romancier turc Nedim Gürsel, poursuivi pour blasphème, risque la prison.

Christophe Kantcheff  • 7 mai 2009 abonné·es

Depuis le 5 mai, le romancier Nedim Gürsel est jugé en Turquie pour avoir « blessé les sentiments religieux de la majorité de la population turque ». L’objet du délit ? Son dernier roman, l es Filles d’Allah , qui a rencontré un beau succès en Turquie (sa traduction française sera publiée en octobre au Seuil), mais qui n’a pas plu à certains esprits hostiles à la littérature et à la liberté. Malgré le non-lieu prononcé initialement par le procureur de la République, le tribunal de grande instance de Sisli-Istanbul a décidé d’ouvrir un procès, sous l’influence du Diyanet (la Direction générale des Affaires religieuses), placé sous l’autorité du Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan.
C’est donc pour blasphème, puisque c’est là l’accusation portée par le Diyanet, après une lecture, on l’imagine, honnête et attentive des Filles d’Allah , que Nedim Gürsel est traîné devant les tribunaux turcs, qui re­lèvent d’une République laïque. Le romancier se dit évidemment accablé, d’autant qu’il milite fortement pour l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, que ce procès ne va pas favoriser.

En France, de très nombreux soutiens se sont manifestés. Parmi eux, l’Observatoire de la liberté de création de la Ligue des droits de l’homme, qui, dans son communiqué, n’oublie pas de préciser que « la France n’est pas à l’abri de ce type de procédure : dans l’affaire de l’affiche publicitaire reproduisant la Cène de Léonard de Vinci poursuivie par les évêques de France, il avait fallu l’intervention de la Cour de cassation pour rappeler que le délit de blasphème n’existe pas dans notre République » . Hélas, il existe en Turquie. Nedim Gürsel risque six mois à un an de prison.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes