Planchon, un aristo du peuple

Il changea le regard
du théâtre sur l’histoire
et les classiques.

Gilles Costaz  • 21 mai 2009 abonné·es

Ils étaient nombreux, ceux qui, lundi, ont salué Roger Planchon, mort le 12 mai, âgé de 77 ans, lors d’une cérémonie au Père-Lachaise. L’homme de théâtre, l’acteur, l’auteur, le cinéaste avait eu tant d’activités et de périodes, à la manière d’un peintre, qu’il avait collaboré avec des foules d’artistes et de responsables pour tracer une trajectoire fort ­lisible dans l’histoire de notre temps. Provincial de la Haute-Loire et de l’Ardèche, il puisait dans ses origines une fierté aristocrate.

Les articles qui ont relaté sa mort n’ont pas tous repris l’anecdote décisive de son enfance : élève d’un collège religieux, il séchait les cours pour aller au cinéma. Pris en flagrant délit par l’un des frères maristes, il avoua son forfait. Le religieux lui demanda quels films il était allé voir. « Mais il ne faut pas faire l’école buissonnière pour ces films-là, dit le ­prêtre. Va voir Citizen Kane. » Ce fut le choc qui lui donna le goût du ­théâtre et de l’image. Un peu plus tard, il fonda une troupe à Lyon et, obtenant le Théâtre de la Cité de Villeurbanne, destiné à récupérer le nom de TNP, devint le seul praticien théoricien qui, dans le débat culturel, avait l’étoffe d’un Vilar.
Planchon fut parfois un dialecticien redoutable, moins altruiste qu’il ne le proclamait. Ses derniers spectacles furent moins appréciés. Peu importe. Il reste une sorte de géant qui, au théâtre comme au cinéma, empoigna l’histoire et nos bagages culturels pour leur conférer une lumière sociale et critique qu’on n’avait jamais su leur donner.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes