Une philosophie politique

Olivier Doubre  • 25 juin 2009 abonné·es

Dans la préface à son récent Second Manifeste pour la philosophie, Alain Badiou évoque le « fort “moment” philosophique » que la France a connu durant les années 1960 et 1970, marqué par les (grands) noms de Sartre, Foucault, Deleuze, Derrida, Lacoue-Labarthe, Lyotard, Althusser et quelques autres… À l’époque, leurs interventions dans le débat politique étaient fréquentes et, à la différence de la plupart de nos « intellectuels » télévisuels d’aujourd’hui, ils n’hésitaient pas à se montrer irrévérencieux envers les puissants. Ces grandes figures ayant disparu, le philosophe Alain Badiou perpétue aujourd’hui avec quelques autres – dont ceux qu’il salue affectueusement dans l’entretien qu’il nous a accordé, comme Jacques Rancière, Étienne Balibar, Daniel Bensaïd ou Slavoj Zizek – la tradition de la critique et de la dénonciation des petites et grandes ignominies du pouvoir. Une tâche historiquement dévolue aux intellectuels, au titre de laquelle on peut inscrire son petit livre De quoi Sarkozy est-il le nom ? , qui, au lendemain de l’élection présidentielle, a immédiatement rencontré un succès de librairie. Il y montre avec brio les similitudes nombreuses entre, d’un côté, la praxis du pouvoir et les politiques sécuritaires de l’actuel locataire de l’Élysée et, d’autre part, le pétainisme, cette tradition autoritaire si bien ancrée dans les mentalités françaises.

Pourtant, Alain Badiou avait jusqu’alors peu l’habitude du pamphlet. Formé à l’école althussérienne durant les années 1960, lorsque l’École normale supérieure bruissait de vifs débats sur le marxisme ou la psychanalyse, Alain Badiou n’a jamais caché sa fidélité à « l’Idée de communisme » . Auteur d’une œuvre éclectique, complexe et exigeante, très commentée à l’étranger, notamment outre-Atlantique, à tel point que certains l’ont parfois qualifié de « star des campus », il situe pourtant radicalement sa pensée dans une démarche de « reformulation de l’hypothèse communiste » , à l’intérieur de laquelle de nouvelles questions posées au monde, telles que l’écologie ou la décroissance, se devront d’être débattues. Une reformulation qui constitue aujourd’hui l’une des principales tâches que s’est fixées le philosophe.

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