La journée de la minijupe

Sébastien Fontenelle  • 17 juillet 2009 abonné·es

Dans le Monde (11 juillet), Caroline Fourest, essayiste philippevaliste connue pour sa rigueur, s’étonne, dans une phrase pleine de guillemets dont chaque mot vaudrait à lui seul un épais volume de commentaires, que « certains réseaux habitués à traquer “l’islamophobie” de “l’Occident” » – réseaux qu’elle ne nomme pas mais dont chacun(e) pourra trouver une description détaillée dans n’importe quel récent bouquin de l’impayable Tagada [^2] – « restent étrangement silencieux face aux persécutions, bien réelles, subies par » les Ouïgours « de la part d’un régime autoritaire d’Extrême-Orient ».
Traduction : la racaille islamo-gauchiste, si prompte à fustiger d’imaginaires phobies dans un monde (pourtant) enchanté où l’Occident, c’est bien connu, se distingue par sa ferveur multiculturaliste, se frotte (sournoisement) les mains, montrant son laid tréfonds, quand les Chinois rouges répriment des minorités en sifflotant le Chant Du Détachement Féminin Rouge [^3], folklorique ritournelle maoïenne.

Or, Caroline Fourest le souligne à l’envi : le mahométan ouïgour mérite d’autant plus (et mieux) notre commisération que l’une de ses plus fameuses représentantes, exilée aux États-Unis, Rebiya Kadeer, quoique musulmane, « ne porte ni burqa ni voile d’aucune sorte » – et ça, n’est-ce pas ? C’est pas rien. C’est même si peu rien qu’il y a un an [^4], déjà, Caroline Fourest s’ébaudissait sur France Culture, et en des termes, au vrai, assez proches de ceux dont elle use toujours aujourd’hui : Rebiya Kadeer « ne porte ni voile ni burka d’aucune sorte, mais vous reçoit en minijupe ».

Dès lors, évidemment, la question se pose : si Rebiya Kadeer, au lieu que d’aller tête nue, la coiffait d’un tissu, comme font certaines fois ses coreligionnaires, mériterait-elle, du point de vue charliehebdique de Caroline Fourest, qu’on la défendît, et que, partant, nous compatissions aux malheurs des Ouïgours ?

C’est douteux, puisqu’aussi bien, la même Caroline Fourest, au temps que le port du foulard faisait débat, s’est engagée assez nettement, dans un pays – le nôtre – qui n’est certes pas un régime autoritaire d’Extrême-Orient, dans un combat qui l’a vitement amenée à se dépasser, fût-ce aux prix de quelques (minuscules) contorsions, en fustigeant, par exemple, « Pierre Tevanian ou la gauche pro-voile »  .

Cohérence oblige : on suppose qu’elle défendrait au Xinjiang, où les femmes ouïgoures portent ledit foulard, les mêmes positions qu’à Paris – pour la plus grande satisfaction des autorités « communistes ».
Ou s’il y aurait, je n’ose y croire, une vérité pour l’Extrême-Orient (compliqué), et une autre pour l’Occident (émancipé) ?

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[^2]: Pierre-André Taguieff.

[^3]: Hongse niangzijun liange.

[^4]: Le 21 mars 2008

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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