Martine Billard, des Verts au Parti de gauche

Michel Soudais  • 9 juillet 2009
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Martine Billard quitte les Verts pour le Parti de gauche (PG). La députée de la 1ere circonscription de Paris a annoncé sa décision, hier matin, lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, qu’elle a tenue en compagnie de Jean-Luc Mélenchon et Marc Dolez, les deux fondateurs du Parti de Gauche.
Ce ralliement, à Politis , nous en avions eu vent à la fin de la semaine dernière quand Martine Billard nous avait fait part de son intention de publier dans nos colonnes, avec Paul Ariès, objecteur de croissance bien connu de nos lecteurs et directeur du Sarkophage , une tribune pour annoncer leur volonté de participer au congrès refondateur du PG, prévu en décembre. Nous en avions ensuite eu confirmation en découvrant lundi ce texte à quatre mains intitulé « Pour un Parti de gauche écologiste » que je vous recommande de lire. Car plus qu’une tribune, c’est un appel aux écologistes antilibéraux et aux militants de gauche antiproductivistes à participer à cette construction politique nouvelle qui prenne en compte les exigences d’une transformation à la fois sociale et écologiste. C’est dire si nous n’avons pas été surpris par l’annonce de sa démission, contrairement aux dirigeants des Verts qui n’ont rien vu venir.

Cette démission est cohérente à la fois au regard des idées que Martine Billard défend depuis longtemps à la gauche des Verts et aussi en raison de l’évolution du parti écolo, évolution qui s’est accélérée avec Europe-écologie et que Mme Billard a souligné lors de sa conférence de presse.
Membre des Verts depuis 16 ans, Martine Billard était la principale animatrice du courant Ecologie solidaire. A ceux qui ignorent qu’elle a toujours cherché à marier l’écologie et le social, le social et l’écologie, la lecture de sa lettre de démission vaut rappel. Elle invoque « trois raisons majeures » pour expliquer son divorce d’avec les Verts : leur « incompréhension des réalités du monde du travail » , le fait que ce parti soit « de plus en plus institutionnel » , et la volonté d’ « effacement du clivage droite/gauche » .
Pourquoi je démissionne des Verts
Critique sur «la composition sociale des Verts (très peu de salariés du secteur privé en dehors des secteurs de la communication et de l’informatique) et leur vision restreinte de l’écologie» , elle déplore l’étouffement de «tout débat véritable au profit d’un seul objectif, obtenir le plus d’élus possibles» , un «pragmatisme» selon certains qui «tourne souvent à l’opportunisme» , selon elle; une démocratie interne «réduite à une peau de chagrin» et un «fonctionnement clanique» . Reprochant aux Verts d’avoir muté ( «D’un parti pour la transformation de la société, ils sont devenus un parti d’accompagnement.» ), elle se dit «en désaccord avec le projet politique d’Europe-écologie» : «Je ne peux me retrouver , conclut-elle, dans un rassemblement qui entretient la confusion quant au clivage droite/gauche, au point, pour certains, de prôner un élargissement du rassemblement jusqu’à des environnementalistes membres du gouvernement UMP ou participant à des exécutifs municipaux de droite.»

Les étapes d’un rapprochement

Femme de gauche (elle y tient et le prouve depuis longtemps dans son activité de parlementaire; c’est ainsi que mardi elle défendait une motion de rejet préalable de la proposition de loi sur le travail du dimanche), persuadée qu’une alternative crédible ne peux venir que d’une «nouvelle construction politique» qui prenne en compte «les exigences d’une transformation à la fois sociale et écologiste» , Martine Billard avait participé à la création de la Fédération pour une alternative sociale et écologiste. Elle n’a pas choisi de rejoindre le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon par hasard. J’en donne ici les principales étapes.

  • Le 29 novembre, elle assistait en observatrice amicale au meeting de lancement du Parti de gauche à Saint-Ouen. Dans son discours, Jean-Luc Mélenchon avait lancé « un appel » particulier aux « écologistes de gauche » , en les invitant à occuper une « place centrale au coeur » du PG « pour fonder le programme et les propositions du nouveau parti de gauche » . « Nous avons besoin d’être beaucoup aidés pour opérer sur
    nous-mêmes la mutation idéologique que l’écologie politique propose »
    , avait renchéri le sénateur de l’Essonne en annonçant que le PG proposerait, « dès le mois de janvier » à l’occasion d’un Forum, aux « écologistes qui le veulent, quelle que soit leur appartenance » , de l’aider à « fixer les grands axes du projet de planification écologique » qui figurera dans son programme.
  • Le 24 janvier, Martine Billard participait au Forum écologique que le PG organisait au Sénat , sur une journée, en tant qu’intervenante.
  • Début février, elle figurait parmi les personnalités politiques invitées au congrès de création du PG , à Limeil-Brévannes (Val-de-Marne).
  • **Début mai, Ecologie solidaire publiait sur son site une «déclaration à propos de la Fédération», qui tirait un bilan assez mitigé des premiers mois d’existence de cette dernière. Le texte se concluait par cette annonce: *«Au cours de l’année 2009, nous proposons que la Fédération engage un dialogue avec le PG pour explorer les possibilités de dépassement et de dynamique commune.»
  • Le 3 juillet, la députée de Paris était l’une des intervenantes au Forum-débat «Trois heures pour une alternative de gauche» , organisé par le Front de gauche à la Mutualité. Elle y plaidait encore le mariage de l’écologie avec le social et la nécessité d’ «arriver à construire une pensée globale» . Un objectif dont elle n’avait déjà plus besoin de convaincre Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier avait à nouveau expliqué le sens de son appel aux écologistes de gauche à venir travailler à l’élaboration du programme du PG. Un parti qui veut plus que jamais être le «creuset» où se réinvente un projet de gauche, où se mêle des traditions politiques diverses pour forger une nouvelle pensée qui les englobe toute.

Un événement politique important

Dès sa création, le PG avait accueilli des écolos jusque dans sa direction. Encore peu nombreux, et en provenance essentiellement d’Utopia, ils ont néanmoins déjà fait évoluer le discours du PG, l’éloignant des positions productivistes et scientistes de la gauche traditionnelle, y compris sur la question du nucléaire, notamment l’EPR contre lequel les militants du PG s’opposent.

Dans ce contexte, le ralliement de Martine Billard est un événement politique . D’abord parce qu’on était plutôt habitué, ces derniers temps, à voir des responsables Verts quitter leur parti pour une place au MoDem (Jean-Luc Bennhamias, Yann Wehrling) ou pour se faire élire sous l’étiquette PS (Aurélie Filippetti); avec elle, le PG compte désormais trois députés à l’Assemblée nationale, autant que les Verts. Ensuite et surtout parce qu’il montre que la volonté du PG de prendre en compte l’apport de la pensée écologiste, dont Jean-Luc Mélenchon avait donné des signes dès le mois de novembre dans l’entretien qu’il nous avait accordé ( Politis n°1028, 27 novembre), puis dans celui qu’il avait donné au magazine La Décroissance, avant que le PG rencontre le Mouvement des Objecteurs de Croissance (MOC) et le Parti pour la Décroissance (PPLD), est prise au sérieux parmi les écolos. C’est une étape importante vers l’apparition d’une gauche écologiste et sociale dont Politis forme le vœu depuis quelques temps déjà.

Pour en savoir plus
– Voir la vidéo de conférence de presse du 8 juillet à l’Assemblée nationale.
Blog de Martine Billard.
– Site du Parti de gauche.
– Le mot de bienvenue de Corinne Morel Darleux, secrétaire nationale au combat écologique du PG.

Temps de lecture : 7 minutes
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