Cécile Duflot : « Débattre d’abord d’un projet commun »

Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, a livré un discours percutant aux militants socialistes rassemblés à La Rochelle : les écologistes ne veulent plus s’en laisser conter par leur partenaire historique.

Patrick Piro  • 3 septembre 2009 abonné·es
Cécile Duflot : « Débattre d’abord d’un projet commun »

Politis : À La Rochelle, vous avez fermement interpellé le Parti socialiste sur son manque de conviction écologiste. L’ouverture de « négociations » en vue des prochaines échéances électorales ?

Cécile Duflot : Je n’avais pas d’intention tactique. Avant d’envisager des négociations, il faut assumer clairement le débat. Invitée à m’exprimer sur le thème « penser l’avenir », j’ai livré mon point de vue sur ce qu’est l’écologie politique pour la première fois devant des militants socialistes, c’était une occasion importante à saisir. Et je suis heureuse de l’écoute extrêmement attentive dont j’ai bénéficié.
Je crois profondément à l’originalité du projet de l’écologie politique, incontournable pour répondre à la crise de civilisation que nous affrontons, qui n’est pas un simple soubresaut du capitalisme. Nous devons affirmer et assumer un véritable projet de transformation sociale.

On a surtout entendu Dany Cohn-Bendit, ces derniers mois. La Rochelle, c’était aussi une occasion de rééquilibrer les influences ?

Il n’y a aucun problème entre Dany et moi, pas plus qu’entre les Verts et Europe Écologie, deux identités cumulables auxquelles j’adhère. D’ailleurs, nous sommes bien en phase : Dany a eu la même réaction que moi à propos de la taxe carbone.

N’avez-vous justement pas saisi l’occasion, avec ce thème, de marquer nettement votre différence avec des socialistes toujours empêtrés dans le productivisme ?

Ce qui m’intéresse, c’est de mettre en avant des projets écologistes, et la fiscalité écologique est un vrai terrain de débat. Je défends que la taxe carbone est une bonne idée sur le fond, même si le gouvernement la pervertit. Martine Aubry m’a confirmé que le Parti socialiste était bien sûr la même ligne que les écologistes.

Mais pas Ségolène Royal, qui estime cette fiscalité injuste et absurde, position que vous avez qualifiée de démagogique…

Je n’épiloguerai pas sur cette divergence.

Mais les Verts ne risquent-ils pas d’apparaître comme un soutien du gouvernement ?

Nous l’avons déjà largement critiqué : ce projet de taxe carbone, c’est un carré auquel il manque pour l’instant trois coins. À savoir : il devrait toucher l’ensemble des secteurs économiques, intégrer la consommation d’électricité, et son produit devrait être totalement redistribué !
Je suis bien consciente du piège, mais cela ne doit pas nous conduire à rejeter une bonne idée. Nous avons été confrontés au même débat avec notre participation au Grenelle de l’environnement : ce sont des situations complexes, mais il ne faut pas les esquiver.
J’ai répondu à l’invitation de Nicolas Sarkozy sur le sujet. Je lui redirai clairement notre position. Les jeux ne sont pas encore faits, le Parlement aura aussi son mot à dire.

Les Verts se sentent-ils concernés par les primaires « ouvertes » lancées par les socialistes pour désigner un candidat de gauche à la présidentielle ?

Ce projet reste flou… S’il s’agit de déterminer le candidat socialiste, c’est l’affaire du PS, pas la nôtre. S’il s’agit de choisir un candidat pour la gauche, il faut d’abord débattre du projet commun.
Mais est-ce bien le moment ? Franchement, la présidentielle de 2012 n’est pas ma préoccupation première d’aujourd’hui, j’en ai un peu assez de cette obsession entretenue par le monde politique français pour cette échéance.

Dany Cohn-Bendit a pourtant lancé l’idée d’un grand rassemblement, de la gauche jusqu’au MoDem, pour battre Sarkozy…

Encore une fois, y compris pour les écologistes, il n’est pas question de débattre du périmètre d’une alliance avant d’avoir discuté d’un projet ! Quel modèle de société voulons-nous pour remplacer celui qui a échoué ? Le MoDem, je ne sais pas vraiment ce qu’il y a à l’intérieur. Je suis très dubitative quant à son projet et à sa stratégie. Mais je ne suis pas obsédée par ce parti, ni dans un sens, ni dans l’autre.

C’est-à-dire que tout reste ouvert ?

Soyons clairs : il est hors de question pour nous d’un renversement d’alliances, même si, aujourd’hui, certains à « gauche » voient le modernisme politique au centre, et même parfois dans la participation au gouvernement Sarkozy ! Nous entendons bien jouer un rôle central dans la recomposition à gauche.
En revanche, nous sommes prêts à travailler avec tous ceux qui se reconnaissent dans l’écologie au sens où nous la concevons, avec au cœur les questions de justice sociale, de redistribution équitable, de redéfinition de la richesse, de défense des droits, de solidarité Nord-Sud, etc. Des valeurs qui ont été celles du mouvement ouvrier à ses débuts, quand il défendait le droit de « travailler autrement ».

Vous êtes candidate pour mener la liste écologiste aux élections régionales en Île-de-France. Un avertissement aux socialistes, qui devront compter plus que jamais avec vous ?

Plus simplement, nous voulons proposer un projet authentiquement écologiste aux électeurs. Et l’échelon régional est très important pour les Verts, qui ont toujours défendu l’idée d’une Europe des régions.

Ce scrutin n’arrive-t-il pas trop tôt pour Europe Écologie, qui n’a pas encore trouvé ses marques après les européennes ?

La structuration régionale du mouvement avance mieux et plus vite que je ne l’imaginais. Le succès d’Europe Écologie le 7 juin a véritablement libéré les Verts. Il existe un élan profond, une conscience collective de notre responsabilité.

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