La bande à Marie-George

C’est avec une direction resserrée, et une légitimité amoindrie, que la secrétaire nationale continue de gouverner le PCF. Mais pour une durée limitée.

Michel Soudais  • 10 septembre 2009 abonné·es

Marie-George Buffet est désormais en sursis. Moins en raison de son score calamiteux à l’élection présidentielle (1,93 %) que du CDD qu’elle s’est donné lors du 34e congrès de son parti, en décembre 2008. Alors qu’elle annonçait depuis un an son intention de quitter la direction, la députée du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) s’était ravisée in extremis, faute d’être parvenue à faire émerger une relève incontestée. Elle avait alors annoncé vouloir travailler, au sein d’une direction collégiale, à une transition en douceur et indiqué qu’elle passerait la main lors d’une assemblée ­générale qui devrait se tenir en juin 2010, au lendemain des régionales. Échéance confirmée lors d’un point de presse, le 4 septembre.

À neuf mois de l’échéance, le bilan de cette transition est pour le moins mitigé. Et le fonctionnement de l’équipe de direction reste une énigme. Devant le premier conseil national post-congrès, Marie-George Buffet a présenté un comité exécutif national « resserré » de trente-deux membres, constitué à parité de genre. Et qui comprend, pour « faciliter les échanges » , des « responsables » des sensibilités unitaires, nostalgiques, transformatrices et « huistes » : Bernard Calabuig, Yves Dimicoli, Marie-Pierre Vieu, Isabelle Lorand, Fabienne Pourre. Mais ce comité, fort peu exécutif, ne se réunit plus que toutes les deux semaines.

En revanche, en son sein, c’est une innovation, une coordination de neuf membres animée par Pierre Laurent est chargée de l’activité quotidienne de la direction du Parti. Elle est composée de Jacques Chabalier (vie du Parti), Éric Corbeaux (emploi et lieux de travail), Olivier Dartigolles (communication et direction du bureau de presse), Patrice Bessac (expérimentations et transformation du PCF), Bob Injey (projet communiste), Lydie Benoît (élections), Jean-Marc Coppola (Europe) et Jean-Charles Nègre (moyens, finances). Une équipe plutôt inexpérimentée qui se rôde à l’exercice des responsabilités nationales sous la houlette de Marie-George Buffet. Une petite troupe d’hommes d’appareil (secrétaires fédéraux, conseillers régionaux…) qui ne compte qu’une seule femme. « Elle a lâché la parité comme elle a lâché plein de choses » , grince un ancien cadre national.

Ceux qui, après la défaite de 2007, ont en effet penché pour des évolutions « ont dû faire amende honorable ou ont été mis à l’écart », observe Gilles Alfonsi. Au lendemain de l’hécatombe présidentielle, Olivier Dartigolles ne voulait plus « se la raconter ». « Si on fait comme avant, on meurt » , expliquait sans langue de bois, dans le Monde, ce jeune porte-parole. Convaincu alors de la nécessité d’«  une nouvelle organisation politique » dans laquelle existerait « une sensibilité communiste organisée » aux côtés d’autres sensibilités, antilibéraux, socialistes de gauche, syndicalistes, altermondialistes, il a conservé son poste mais pas ses audaces. Très proche de la secrétaire nationale jusqu’en 2007, Patrice Cohen-Séat a lui aussi été saisi par le doute après la présidentielle. Dans un livre personnel, Communisme, l’avenir d’une espérance (Calmann-Lévy), il s’est mis à prôner un « tournant radical »  : la création d’une nouvelle « force politique » , ouverte à « toutes les forces de gauche disponibles » , dont l’objectif demeure « une véritable rupture avec les actuelles logiques libérales » . Mal lui en a pris. Tombé en disgrâce, il a découvert un beau matin, après le 34e congrès, qu’il n’avait plus de bureau.

La « ligne Buffet » n’est pas une orientation rectiligne. Avocate inlassable d’un rassemblement antilibéral après le référendum européen de 2005, la numéro un s’appuie alors sur les « refondateurs » contre les fondamentalistes et autres nostalgiques qui, soucieux d’affirmer l’identité du PCF, refusaient de voir leur parti se diluer. Après l’échec des candidatures unitaires, c’est sur les craintes de ces derniers qu’elle s’est appuyée pour rejeter toute « métamorphose » du PCF en direction d’une force politique nouvelle, revenir sur le pluralisme de la direction communiste, en minorant la représentation de ceux qui défendent une autre orientation, et imposer le retour à un certain centralisme.
« L’exécutif n’a plus un rôle de direction, déplore un de ses membres, l a coordination se comporte comme un secrétariat politique. On est dans le retour à une organisation très pyramidale. » Avec cette particularité que personne ne sait plus très bien où se prennent les décisions. Derrière le rideau d’une direction officielle, Michel Laurent, ancien responsable des fédérations et de la vie du Parti, dont le frère cadet, Pierre, est pressenti pour succéder à Mme Buffet, joue un rôle central, assurent tous les connaisseurs de la maison communiste.

Or les deux frères sont, selon eux, avant tout attachés à la préservation de l’appareil dans lequel ils ont grandi en marchant sur les traces de leur père, Paul Laurent, secrétaire à l’organisation sous Georges Marchais.

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