Les barons locaux

Portrait de quatre piliers communistes en région. Qui sont-ils, d’où viennent-ils, quelles sont leurs influences ? Et surtout, où se situent-ils aujourd’hui ?

Michel Soudais  • 10 septembre 2009 abonné·es

Patrick Braouezec

Naissance : 1950
Instituteur.
1991-2004. Maire de Saint-Denis (93).
1993. Député de Seine-Saint-Denis.
2004. Président de la communauté d’agglomération Plaine Commune.
2007. Porte-parole de José Bové.

Déjà cité parmi les membres influents de l’association des Communistes unitaires, Patrick Braouezec est aussi, à sa manière, un « baron » du Parti, ne serait-ce que par le statut que lui confèrent ses élections et réélections dans son département de la banlieue nord de Paris. Maire de Saint-Denis de 1991 à 2004, député de Seine-Saint-Denis depuis 1993 et actuel président de la communauté d’agglomération Plaine Commune, il est une figure à part de la gauche du Parti. Patrick Braouezec ne craint pas de faire acte d’indiscipline. À la veille de la présidentielle de 2007, il avait décidé de soutenir la candidature de José Bové, allant ainsi au bout de la logique de son engagement au sein des Collectifs unitaires antilibéraux. Certains, au PC, murmurent qu’il pourrait faire une excellente tête de liste du Front de gauche aux régionales.

Alain Bocquet

Naissance : 1946
Éducateur spécialisé.
1977-1983. Adjoint au maire de Lille (59)
1978. Député du Nord.
1995. Maire de Saint-Amand-les-Eaux (59).

Le « Baron rouge de Saint-Amand-les-Eaux » se présente volontiers comme « le dernier président d’un groupe communiste à l’Assemblée nationale ». Une dédicace symptomatique de la volonté de cet élu, député depuis 1978, maire et président d’une communauté d’agglomération de 38 communes, d’incarner le refus du mouvement. Très marqué par la culture du parti du Nord et attaché à son identité, il avait défendu avec succès l’autonomie du PCF au premier tour des régionales en 2004, contre les tenants d’une alliance avec le PS et ceux qui voulaient s’ouvrir à des mouvements citoyens et à la gauche du PS.
Capable de tenir un discours d’une extrême rigueur bolchevique dans les instances du parti, il est volontiers pragmatique sur ses terres et n’hésite pas, pour défendre les intérêts de « sa » région, à emprunter des voies très éloignées de la ligne du parti. Allié objectif de Jean-Louis Borloo dans le valenciennois, il n’a cure d’offusquer les siens en fréquentant sans complexe les patrons.

André Gérin

Naissance : 1946
Ouvrier spécialisé puis dessinateur industriel.
1985-2008. Maire de Vénissieux (69).
1985-1993. Conseiller général du Rhône.
1993. Député du Rhône.

Le député de Vénissieux, ville qu’il a administrée vingt-trois ans avant de passer la main, se présente volontiers comme le porte-parole de la résistance aux évolutions du PCF et à sa direction, qu’il défie désormais à chaque congrès avec l’appui de tous les fondamentalistes encore encartés. Ébranlé par les revers électoraux des années 1980, il s’est enfermé dans son opposition totale à Charles Fiterman (alors dans le Rhône) au moment où ce dernier a lancé « les Refondateurs », et s’est structuré dans ce refus, raconte Roger Martelli.
Bosseur et chaleureux, André Gérin est persuadé que le PCF a perdu son ancrage ouvrier en étant incapable de faire écho aux préoccupations des couches populaires, et n’a de cesse de vouloir les reconquérir par tous les moyens. D’où un discours républicain d’un autre âge, marqué par des prises de position sécuritaires, souverainistes et parfois teintées d’islamophobie. Son dernier fait d’armes : la demande de création d’une commission d’enquête parlementaire sur le port de la burqa, demande satisfaite sans délai par Nicolas Sarkozy. Quels que soient les excès, bien réels, de son discours, même ses adversaires dans le parti s’accordent à penser que cet écorché vif en mal de reconnaissance n’a jamais mordu le trait dans la pratique.

André Chassaigne

Naissance : 1950
Professeur de lettres et d’histoire-géo,
puis principal de collège (jusqu’en 2002).
1979-2004. Conseiller général du Puy-de-Dôme.
1983. Maire de Saint-Amand-Roche-Savine (63).
1998-2000. Conseiller régional.
2002. Député du Puy-de-Dôme.
2006. Président de l’ANECR.

Provincial, lié à aucune des coteries qui s’affrontent régulièrement place du Colonel-Fabien, le président de l’Association nationale des élus communistes et républicains (ANECR) est parvenu, à partir de sa mairie de Saint-Amant-Roche-Savine (500 habitants), à se tisser un réseau d’influence et de relation remarquable, dans un département qui constitue une exception absolue dans l’histoire électorale du PCF. Le Puy-de-Dôme est le seul département où, sur les trente dernières années, les communistes ont renforcé leur ancrage municipal. Aux législatives de 2002, André Chassaigne est d’ailleurs l’unique communiste à gagner une circonscription.
Dans la tradition des grands notables, il fait preuve d’un suivisme bonhomme dans les instances du parti, mais manifeste dans son domaine une capacité d’ouverture réelle. Intuitif, il est l’auteur d’un amendement anti-OGM qui lui vaut une notoriété nationale. Résolu à « faire évoluer » les liens du PCF et de l’ANECR, il en modifie les statuts au congrès de Montpellier l’an dernier, ouvrant les portes à tous les élus progressistes qui partagent les valeurs de l’association, et suscite la méfiance de Mme Buffet, qui n’apprécie guère, au 34e congrès du PCF, de l’entendre protester en séance plénière contre l’éviction du conseil national des unitaires et des transformateurs. Ce qui fait dire à un ancien dirigeant du parti : « Il résume assez bien le déchirement des communistes entre ce qu’ils sentent intuitivement qu’il faudrait faire et leur fidélité à l’église. »

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