Minijupe et sauce légère

Les éditions Laffont exhument une collection de livres de cuisine longtemps épuisée. Qui témoigne d’une époque, les années 1960-1970,
et reste d’actualité.

Jean-Claude Renard  • 10 septembre 2009 abonné·es

Des hommes de leur temps. C’est un peu ça, les représentants de la Nouvelle Cuisine. Les années 1960 sont celles de l’ébullition. Le Nouveau Roman et la Nouvelle Vague, depuis quelque temps, ont déjà imposé leur révolution. Leur style. L’électroménager prend le pas sur la mécanique. Bientôt, on ne gagne plus sa croûte, mais son bifteck, et Mai 68 cherche la plage sous les pavés. Les valeurs de la légèreté s’imposent, façon tergal et minijupe.
Ces mutations ont leur influence sur les habitudes alimentaires. Une poignée d’iconoclastes va débarrasser la cuisine de ses lourds falbalas ancrés depuis l’entre-deux-guerres. Tandis que les frères Troisgros, à Roanne, et Chapel, à Mionnay, s’agitent en auberge familiale, Michel Guérard ouvre son laboratoire intime à Asnières, derrière un périphérique enveloppant Paris comme une raviole. S’il est le premier à sonner la querelle des modernes contre les anciens, ils entament ensemble leur entreprise de dépouillement de l’assiette (et de démolition du pouvoir en place). Ils prônent une cuisine qui réduit les temps de cuisson, ravigote le marché, abandonne les marinades, refuse les sauces riches, juxtapose les saveurs. Les trucages disparaissent, les ­présentations se simplifient. Dans cet esprit, les nouveaux matériels ont leur part de gâteau : poêle anti-adhésive, mixer, blender…

Les médias ont largement participé à la notoriété de cette Nouvelle Cuisine. Restait à diffuser les idées. En 1976, Claude Lebey entreprend ce travail pédagogique avec « les Recettes originales de… », une collection inaugurée par la Grande cuisine minceur de Michel Guérard (à tout seigneur, tout honneur). La période n’est pas encore à la dictature des directeurs artistiques, ni à la ribambelle de photos. Son livre présente ainsi une couverture cartonnée, avec la trogne du chef en médaillon. Du texte. Un glossaire. Techniques, astuces et tours de main. Et 150 recettes environ. Guérard y décline son répertoire culinaire et diététique imaginé à Asnières, plus tard mis en place à Eugénie-les-Bains. De quoi déculpabiliser le gourmand, collaborer à une œuvre de santé publique. Succès garanti à la clé. Comme les ouvrages qui ont suivi, des frères Troisgros à Alain Chapel, tous épuisés depuis un quart de siècle. Les éditions Laffont rééditent aujourd’hui cette aventure éditoriale remarquable. Avec l’occasion d’observer la modernité de ces cadors du fourneau.

Culture
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