Sœur Éric, bonne amie des gueux

Sébastien Fontenelle  • 17 septembre 2009 abonné·es

Tu es au gouvernement (droitier) de la France, et tu as (donc) fomenté le projet, classique, de faire avaler à tes administré(e)s une dégoûtante couleuvre, bien grasse, bien dégueulasse. Mais tu as aussi, et dans le même temps, le souci de te ménager l’image de marque : tu veux que la plèbe, nonobstant que tu la nourris de saletés, continue de te considérer comme quelqu’un de plutôt sympa – éventuellement un peu rude, hein, mais accessible, au fond, à une certaine forme de pondération.
Comment tu fais ?

Ben c’est tout simple : tu commences par menacer le populo de lui mettre au fond du gosier, non seulement la couleuvre, mais, de surcroît, un crotale. On fera ça mercredi à 15 heures, tu lui annonces, préparez le digestif. Et au dernier moment – le mercredi, juste après 14 heures –, tu fais publier l’heureuse nouvelle : finalement, les amis, j’ai bien réfléchi, et je vous fais grâce du crotale – alors quoi, vous m’avez pris pour un gros salaud, ou quoi ? Et maintenant, les amis, faites, vous aussi, une concession : avalez-moi fissa cette grosse couleuvre bien dégueulasse, ou je fais donner la troupe (républicaine).
Les amis.

Pourquoi je te raconte ça, me demanderas-tu ? (Qu’est-ce que c’est que cette histoire de serpents à la con ?)

Parce que la droite versaillaise qui prétend régner sur nos vies vient de nous faire à peu près le même coup, avec les tests ADN.
Naaaaan, déclare soudain Maurice Besson [^2], je signerai pas le décret d’application de cette inique loi, merde alors, mâme Dupont, j’ai de l’éthique, moi, sans déconner. (Vous le savez, vous, mâme Dupont, que sous mes dehors d’absolu renégat j’ai gardé un cœur de gauchiste. Non ? Vous ne le saviez pas ?) Résultat : on a un peu l’impression que le gars est devenu Sœur Éric, la bonne amie des gueux.

Sauf que, dans la vraie vie, pardon : Sœur Éric, rongée par le désir de (com)plaire au chef de l’État français, qui lui a assigné la noble mission de bouter plusieurs dizaines de milliers de bougn… d’étrangers par an, Sœur Éric, disais-je, continue de faire traquer dans nos rues le sans-papiers, de 7 mois à 77 ans. (Et d’incarner, par conséquent, quelque chose – u n état d’esprit  – de particulièrement révulsant.)

Avec, tout de même, la différence que, dans le cas des rafles, les intellectuels de haut renom qui se sont naguère mobilisés (à peu de frais, une fois défalqué le prix du champagne et des canapés) contre les tests ADN – les Carla Bruni, Bernard-Henri Lévy et autres Philippe Val – ferment leur bouche à double tour, et pour cause : ils jugent, comme Maurice Besson et son maître, qu’il faut, mâme Dupont, « maîtriser les flux migratoires ». Sens-tu comme ce pays pue ?

[^2]: Oui, oui, je sais : le prénom de Besson est plutôt Éric. Mais c’est plus fort que moi : quand je le vois, j’ai envie de l’appeler Maurice. Et pourquoi me refuserais-je ce minuscule petit plaisir, je te prie ?

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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