Clair-obscur

Film phénomène au Maroc, « Casanegra » sublime une cité contrastée.

Ingrid Merckx  • 15 octobre 2009 abonné·es

Casa n’a jamais été blanche. Déjà en 1942, chez Michael Curtiz, la cité marocaine (filmée en studio) représentait à la fois une porte vers le monde libre et une gigantesque prison… Une ville en blanc et noir, de rêve et de cauchemar. Elle l’est restée : symbole d’un boum économique, l’ogresse continue d’engloutir blédards et migrants, cependant que sa jeunesse, même diplômée, désespère de trouver du travail. Signe d’une politisation ou d’une prise de conscience, la déshérence des jeunes urbains mobilise fortement le jeune cinéma maghrébin.

C’est en partie pour avoir abordé ce sujet de front que Casanegra , du Marocain Nour-Eddine Lakhmari, s’est retrouvé bardé de prix aux festivals de Dubaï et de Tanger puis catapulté « phénomène de société » à la sortie du film au Maroc fin 2008. Deux jeunes des classes populaires y fantasment l’un sur un départ en Suède, l’autre sur une relation avec une femme chic. Lorsqu’un parrain minable leur propose un coup et les entraîne dans les bas-fonds.

Casa la blanche, Casa la noire. Les dialogues soulignent une antonymie que les images suffisent à rendre, caressant en grand angle très « clip » le contraste nocturne-diurne, quartier moderne dans une architecture coloniale, faune riche et faune ­pauvre (mais autant dépravées). Karim et Adil passent d’une « case » à l’autre dans cette marelle sans ciel et sans océan, mais aussi sans médina et sans bidonvilles, confinés à un centre-ville labyrinthique et étrangement désert. Après À Casablanca les anges ne volent pas (Mohamed Asli, 2004) et W hat a Wonderful World (Faouzi Bensaidi, 2007), Casanegra décuple la photogénie d’une ville qui a rarement tant figuré un décor de cinéma.

Culture
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