Dédé Dîne

Sébastien Fontenelle  • 7 octobre 2009
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Par l’effet d’une amusante coïncidence calendrière, c’est au lendemain de la «visite éclair» du chef de l’État français au Kazakhstan (où il a (encore) bu des coups avec un fameux démocrate) que notre journal de référence publie un (admirable) portrait de l’un de ses plus fidèles supporteurs: André Glucksmann, alias Dédé, also known as Le Coupobole – qui, je rappelle, n’est pas , comme son hallucinante coupe de veuches pourrait d’abord le faire penser, l’instigateur de la récente remastérisation de la discographie des Beatles, mais bien plutôt, d’après Le Monde , l’homme qui «incarne la figure de l’intellectuel français depuis trente ans» .

(Ci-dessous, Dédé, rendu aux suaves simplicités de la culture de régime, se récite les (bouleversants) premiers vers d’un poème classique de Jean-Philippe Smet: «Si monsieur Kennedy aujourd’hui revenait…» )

L’auteure du portrait en question, Marie-Pierre Subtil, a d’évidence mené, avant d’écrire, une investigation moustachue de niveau 9 sur l’échelle de Plenel, et (nous) balance, dès l’abord, une rafale de renversantes révélations, d’où ressort, notamment, que Dédé «n’aime pas les dîners en ville» , mais qu’il se laisse tout de même convaincre de sacrifier à ces pénibles obligations quand «sa femme et son fils l’y entraînent» , parce que bon, «ça peut être utile aux Tchétchènes» (je te jure que je n’invente rien) – ou que si Dédé a (courageusement) «accepté» que le chef de l’État français lui remette (en avril 2009) «les insignes d’officier de la Légion d’honneur» , c’est parce que «c’est utile aux Tchétchènes» .

De surcroît, Dédé a circonvenu, comme en république bananière, d’incorruptibles (hauts) fonctionnaires: « Il est intervenu auprès de deux préfets pour demander la régularisation de familles menacées d’expulsion en leur» faisant «miroiter le morceau de ruban» de la Légion d’honneur, raconte Marie-Pierre Subtil, manifestement épatée par tant d’intégrité.

La somme des sacrifices que Dédé a consentis est donc loin d’être négligeable: c’est pas tout le monde, quand on y pense, qui accepterait de se laisser décorer, pour mieux soutenir la Tchétchénie, par un gars qui adore serrer la pogne du gondolant Vladimir Poutine.

Et certes: Dédé se montre moins empressé, lorsqu’il s’agit – fût-ce au prix d’usants dîners parisiens – de porter secours, par exemple, aux Palestiniens.

Au mois de janvier dernier, remember , durant que des bombes israéliennes déchiquetaient Gaza : il trouvait un peu gonflé, pour ne pas dire franchement déplacé, de condamner «urbi et orbi l’action de Jérusalem comme «disproportionnée»» , jugeant, pour ce qui le concernait, qu’il n’était «pas disproportionné de vouloir survivre» – message transmis aux centaines de victimes civiles des raids israéliens.

L’explication est, pour une part, comptable: si Dédé dédéfend «les Tchétchènes et pas les Palestiniens» , explique Marie-Pierre Subtil, c’est – notamment – parce que «sur 1 million de Tchétchènes, 200.000 au moins ont été tués, beaucoup plus, proportionnellement, que de Palestiniens» .

(Gazaoui(e), mon ami(e): on ne te hait point, on aimerait d’ailleurs pouvoir t’être utile (dans les dîners en ville), mais il faudrait quand même que tu fasses l’effort de mourir plus massivement, trouillard(e), feignasse.)

Puis, d’autre part: Dédé considère qu’ «au Proche-Orient, Israël est le faible» .

Je te propose d’en faire l’amusant thème d’un prochain dîner raffiné: ça serait quand même bien que les F-16 du géant palestinien cessent (promptement) de bombarder son minuscule voisin.

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